La lutte internationale contre l'évasion fiscale a pris de l'ampleur jeudi avec la signature d'un accord de coopération franco-américain et, surtout, l'engagement du Liechtenstein de signer la convention de l'OCDE sur l'échange automatique d'informations.
Le ministre français de l'Economie Pierre Moscovici et l'ambassadeur américain en France Charles Rivkin ont signé jeudi à Bercy l'accord sur l'application de la loi américaine Fatca contre l'évasion fiscale.
Cette "loi sur l'acquittement des obligations fiscales relatives aux comptes à l'étranger" (Fatca) a été promulguée en 2010 aux Etats-Unis et doit entrer en vigueur par étapes à partir du 1er janvier.
Sa disposition principale, longtemps controversée, prévoit que les établissements financiers étrangers (les "EFE") auront une obligation d'information sur leurs clients imposables aux Etats-Unis sous peine d'un prélèvement obligatoire de 30% à la source sur leurs revenus américains.
Les deux hommes ont salué l'importance de ce texte qui représente "le socle du développement de l'échange automatique d'informations" au niveau international, dans le sillage du G20 qui s'est tenu à Saint-Pétersbourg en septembre.
Lors de ce sommet, les 20 principales puissances mondiales se sont en effet engagées à commencer "fin 2015" à échanger de manière automatique les données fiscales, en vertu d'un nouveau standard international de coopération.
L'accord franco-américain constitue "un pas important en avant dans la collaboration pour combattre l'évasion fiscale extra-territoriale", a relevé M. Rivkin devant la presse.
Au 29 octobre, neuf pays avaient signé une convention avec les Etats-Unis. Sept d'entre eux ont choisi la procédure d'accord direct entre les banques et le fisc américain (Danemark, Allemagne, Irlande, Mexique, Norvège, Espagne, Royaume-Uni) et deux autres (Japon, Suisse) ont signé un accord d'échange au niveau des gouvernements.
Seize autres pays, dont la France, étaient alors en passe de signer un accord, indiquait à l'époque le Trésor américain.
5.800 milliards d'euros dans les paradais fiscaux
Autre étape importante jeudi dans la lutte internationale contre l'évasion fiscale: le Liechtenstein, régulièrement montré du doigt pour sa législation fiscale particulièrement bienveillante, a annoncé son intention de s'aligner sur les critères de l'OCDE en matière d'échange automatique d'informations.
"L'échange automatique d'informations en matière fiscale sera la future règle internationale", a relevé cette petite principauté coincée entre la Suisse et l'Autriche, considérée comme un paradis fiscal.
Le secrétaire général de l'OCDE, Angel Gurria, a souligné une "avancée très importante" pour le Liechtenstein, qui signera la convention de l'organisation lors du Forum mondial sur la transparence et l'échange de renseignements à des fins fiscales les 21 et 22 novembre à Jakarta.
"Nous saluons ce nouvel engagement sans ambiguïté en faveur de la transparence", a commenté M. Gurria dans un communiqué.
Le responsable des questions fiscales de l'OCDE, Pascal Saint-Amans, a, lui, déclaré à l'AFP: "On a changé de monde". Pour lui, l'annonce du Liechtenstein était "un révélateur" du fait que l'échange automatique de données, grand cheval de bateille de l'OCDE, "devenait vraiment la norme".
Interrogée par l'AFP, une conseillère de Pierre Moscovici a indiqué que la France "accueillait très positivement" cet engagement s'il n'était pas assorti de conditions. "Nous attendons les preuves", a-t-elle précisé.
Cette décision du Liechtenstein revêt une importance symbolique. Le pays a en effet été visé il y a quelques années par une offensive menée à l'initiative de l'Allemagne, devenue depuis internationale.
Après avoir acheté à un informateur des listes de centaines de contribuables ayant transféré des fonds dans la principauté pour échapper à l'impôt, le fisc allemand avait lancé une chasse aux fraudeurs sans précédent qui a notamment poussé à la démission le patron de la poste allemande.
Selon l'économiste Gabriel Zucman, un des plus grands spécialistes mondiaux de la fraude fiscale, quelque 5.800 milliards d'euros sont dissimulés dans les paradis fiscaux, dont 350 milliards d'avoirs français (pour moitié dissimulés en Suisse).
Il a estimé le manque-à-gagner fiscal mondial à 130 milliards d'euros par an, dont 17 milliards pour la France.
L'ONG ONE France a indiqué avoir remis jeudi matin à M. Moscovici, avant la réunion de l'Ecofin à Bruxelles, une pétition signée par 40.000 citoyens européens.
Le texte appelle les dirigeants européens à sévir contre les sociétés écrans et les trusts, "au coeur de 70% des grands cas de corruption dans le monde", selon l'ONG.