L'arrivée de Sébastien Bazin à la tête d'Accor a été accueillie mardi par les analystes comme le présage d'une vente accélérée des murs du groupe hôtelier, tandis que le profil très financier de ce troisième PDG en huit ans suscitait des inquiétudes en interne.
Le nouveau patron du leader européen et numéro six mondial de l'hôtellerie dirigeait jusqu'alors la branche européenne du fonds Colony Capital, son actionnaire à 10%, dont il va abandonner les manettes.
Il faisait également partie du triumvirat intérimaire en place à la tête d'Accor depuis l'éviction brutale en avril de Denis Hennequin.
Cette annonce surprise, le 23 avril, avait créé de vives turbulences chez les petits actionnaires et laissé les représentants des salariés désemparés.
A l'époque, le conseil d'administration avait rappelé l'objectif d'Accor de ramener à 20% la part de ses hôtels possédés en propre pour dégager des liquidités. Colony et Eurazeo, les principaux actionnaires, avaient souhaité mettre en place une société foncière séparée pour "mieux identifier la partie immobilière de la partie opérationnelle".
Selon une source proche du dossier, les administrateurs ont été unanimes mardi à choisir M. Bazin pour PDG. Cette décision va entraîner le départ du directeur général, Yann Caillère, un "historique" d'Accor qui guignait lui aussi le fauteuil.
L'ex-banquier Philippe Citerne, troisième homme de l'équipe dirigeante provisoire en place depuis le printemps, restera à bord comme vice-président du conseil d'administration.
"Je m’investis dans ce nouveau rôle avec une grande ambition pour ce groupe auquel je suis profondément attaché et une pleine conscience des enjeux auxquels il est aujourd'hui confronté", a déclaré M. Bazin, 51 ans, dans un communiqué.
"Sébastien Bazin est un expert financier qui a désormais les moyens de mettre en place une vision stratégique et une politique favorable aux actionnaires", note Bruno de La Rochebrochard, analyste chez Bryan Garnier.
"Nous pensons que la valeur a souffert ces derniers mois de l'incertitude concernant le management", notent les analystes de Barclays, qui voient le titre devenir plus attractif qu'il y a six mois.
Un autre analyste, qui a souhaité garder l'anonymat, voit dans le choix de Sébastien Bazin une "continuité du plan agressif de cession des murs annoncé en février par le groupe" et fait valoir que M. Bazin "est connu pour être bon sur la partie immobilière".
"Actionnaire mais pas hôtelier"
"Actionnaire mais pas hôtelier"
Le même pointe cependant du doigt la gouvernance de l'entreprise, qui "pose de nombreuses interrogations", avec "une sur-représentation de Colony" au détriment des actionnaires minoritaires. "La moitié du conseil d'administration était jusqu'ici indépendant, là il risque de ne plus l'être qu'à 33%", avance-t-il.
"M. Bazin connaît bien Accor puisque Colony y est actionnaire depuis 2005 mais ce n'est pas un hôtelier", souligne encore cet analyste.
Un autre analyste dit craindre que le départ de M. Caillère "n'entraîne d'autres départs à la direction d'Accor, créant une instabilité".
Du côté des syndicats, Ange Romiti, secrétaire fédéral CGT chargé d'Accor, a regretté que le groupe "se disloque". "Depuis des années, la situation s'aggrave avec la pression exercée par Colony et Eurazeo pour augmenter le profit d'Accor", a-t-il affirmé.
"Vente des murs, des hôtels... Une fois qu'on a tout vendu, que reste-t-il? Le groupe qui avait une certaine présence en France et en Europe n'aura plus la même qualité de services", s'est alarmé le syndicaliste, craignant que "tout cela aboutisse à la vente d'enseignes ou à une OPA".
De son côté, la CFDT dénonce elle aussi dans un communiqué le "démantèlement" d'Accor aux "très fortes conséquences sociales pour les salariés des établissements cédés". Elle appelle M. Bazin à agir désormais "en tant que manager opérationnel" et non plus "en qualité d'actionnaire".
Accor, dans le rouge en 2012 avec une perte nette de 599 millions d'euros, publie mercredi ses résultats pour le 1er semestre 2013. Son chiffre d'affaires sur la période, dévoilé mi-juillet, s'est inscrit en baisse de 0,9%.
A la Bourse de Paris, le titre du groupe hôtelier a perdu 1,51% en clôture, à 28,79 euros, un recul toutefois inférieur à celui de l'ensemble du marché qui a atteint 2,56%.