Rien n'y fait: en dépit d'une série de mesures annoncées mercredi par la Banque nationale suisse (BNS) et le gouvernement fédéral pour le faire baisser, le franc suisse continue à rester sous le seuil de 1,20 CHF pour 1 euro, un objectif non déclaré de la Banque nationale.
Mercredi, la Banque nationale est intervenue pour la troisième fois en 15 jours, en injectant des liquidités dans les circuits financiers. Cela n'a pas découragé les investisseurs étrangers, qui continuent à acheter du franc suisse.
De son côté, le gouvernement fédéral a consacré sa séance hebdomadaire mercredi au franc fort, et a décidé de soutenir à hauteur de 2 milliards CHF (1,74 md EUR) les secteurs particulièrement touchés, comme les industries exportatrices et le tourisme.
"la situation économique dans le monde s'est aggravée, il y a un ralentissement de la croissance en Europe et aux Etats-Unis, et la crise de la dette n'est toujours pas résolue", a relevé le ministre de l'Economie Johann Schneider-Ammann. Autant de facteurs qui favorisent une ruée sur le franc suisse, considérée comme une valeur refuge pour les investisseurs étrangers, et qui provoque la cherté de la monnaie helvétique.
Depuis le 3 août dernier, date de la première intervention de la BNS, le franc suisse a progressé de 3,92% par rapport à l'euro, alors qu'il aurait dû théoriquement baisser.
Mercredi soir, après l'annonce des mesures du Conseil fédéral, le franc suisse tournait autour de 1,14 CHF pour 1 euro, soit une progression de plus de 6% par rapport à l'euro depuis début juillet, et de 25% depuis début janvier.
Cette situation devient intenable pour les grandes entreprises suisses qui exportent, car leurs produits sont devenus trop chers.
Sur le marché intérieur, d'autres secteurs souffrent, comme le tourisme. Avec un cours aussi élevé, les touristes hésitent à venir passer quelques jours en Suisse, préférant des pays alpins voisins, comme l'Autriche ou l'Allemagne.
Le commerce de détail souffre aussi, car les Suisses font leurs courses dans les régions frontalières, où leur chariot coûte bien moins cher que chez eux.
Pour les investisseurs étrangers en revanche, la Suisse est un paradis, dans la mesure où le pays connaît une grande stabilité politique, qu'il n'a pas connu de grandes catastrophes, et où les mouvement sociaux sont rarissimes, car le système en place est globalement accepté par la population.
Face à cette situation, la Banque nationale suisse essaye de réagir tant bien que mal depuis début août. A trois reprises, dont la dernière fois ce mercredi, la Banque nationale a annoncé qu'elle allait prendre des mesures pour lutter contre ce niveau de change "extrêmement surévalué", notamment en injectant des liquidités dans les circuits financiers.
Le niveau de liquidités est ainsi passé en 15 jours de 30 milliards de CHF à 200 milliards de CHF.
Selon la BNS, les mesures "montrent leurs effets, mais le franc suisse reste toutefois extrêmement surévalué".
Pour Daniel Kalt, chef-économiste pour la Suisse de la banque UBS, la BNS est entrain de jouer une partie très difficile. "La BNS a choisi de jouer jusqu'au bout la carte des liquidités, mais c'est possible que ce soit insuffisant" pour faire baisser le franc suisse, et qu'il faille recourir à un arrimage du franc suisse à l'euro, a-t-il estimé.
Les marchés attendaient mercredi une telle mesure, qui n'est pas intervenue.
"La BNS est confronté à un dilemme, car choisir l'arrimage peut être une mesure très coûteuse, et susceptible d'entraîner de lourdes pertes pour la banque centrale", a-t-il ajouté.
Dans une telle hypothèse, la banque nationale s'engagerait en effet à acheter des euros en masse, jusqu'à ce que le cours monte au niveau de change escompté.
La banque nationale est engagée dans une "partie de poker", et jusqu'à présent "elle ne se débrouille pas si mal", a-t-il conclu.