La succession de Jean-Claude Juncker à la tête de l'Eurogroupe semble suspendue au choix de la France qui, après avoir caressé l'espoir d'une nomination de Pierre Moscovici, doit se prononcer sur la candidature du Néerlandais Jeroen Dijsselbloem, en visite mercredi à Paris.
Le ministre français des Finances devait rencontrer son homologue néerlandais à Paris, à l'écart des micros et des caméras. Jeroen Dijsselbloem, qui n'a pas fait acte officiel de candidature, mène une discrète campagne qui l'a conduit lundi à Bruxelles et mardi à Rome.
Les grands argentiers de la zone euro doivent choisir leur chef de file lors de leur prochaine réunion, le 21 janvier. En juillet, incapables de se mettre d'accord, ils avaient reconduit leur président Juncker, mais le Premier ministre luxembourgeois, qui occupe ce poste depuis sa création en 2005, avait d'emblée annoncé sa ferme intention de se retirer au plus tard début 2013.
La question de sa succession se repose donc.
Le ministre allemand des Finances Wolfgang Schäuble, candidat avant l'été, a jeté l'éponge. Le Français Moscovici, poussé notamment par Jean-Claude Juncker, semblait bien placé avant les fêtes. Sans s'être porté candidat, il ne cachait pas son intérêt pour le poste.
Mais il semble avoir avoir revu ses ambitions à la baisse, soulignant que sa "tâche" de ministre était déjà "extraordinairement lourde". "Ce qui compte pour moi (...) c'est que dans le cadre de l'Eurogroupe" les thèses françaises en faveur de la croissance "soient écoutées, portées et entendues", a-t-il assuré dimanche.
Décryptage de source française: Paris a dû reculer car le gouvernement conservateur allemand "ne veut pas promouvoir un socialiste français à l'approche des élections législatives en Allemagne", prévues à l'automne.
Le ministre néerlandais reste donc, pour l'instant, seul en piste.
Agé de 46 ans et décrit aux Pays-Bas comme un fin stratège et un bon médiateur, deux qualités utiles pour coordonner une zone euro qui tente de s'extirper de sa pire crise, il engrange les soutiens alors qu'il n'est au gouvernement que depuis deux mois.
La Finlande, mais surtout l'Allemagne, ont donné leur feu vert. Sans grande surprise, puisque Berlin, Helsinki et La Haye sont souvent alliés pour défendre des positions très orthodoxes en matière budgétaire et pour freiner certains élans de solidarité vers les pays d'Europe du Sud.
Wolfgang Schäuble a adoubé Jeroen Dijsselbloem fin décembre, assurant qu'il était "très estimé de tous et très compétent".
Le ministre irlandais Michael Noonan, dont le pays exerce la présidence semestrielle de l'Union européenne, a abondé mardi, estimant que son collègue néerlandais était "prêt, volontaire et capable".
Tout en reconnaissant ses "fortes chances" de nomination, une source diplomatique européenne nuance les qualités de l'intéressé: "S'il est choisi, ce ne sera pas tellement sur ses mérites personnels" puisqu'il "n'est pas connu". Ses "deux avantages", aux yeux de cette source, sont de provenir d'un pays noté "triple A" par les agences financières, un gage donné à la sourcilleuse Allemagne, et d'être travailliste, de quoi plaire au gouvernement socialiste français.
Les médias allemands se sont donc faits l'écho d'un accord déjà conclu en faveur du Néerlandais. Mais à Paris, on dément avoir levé la réserve sur ce choix.
"La position française sera importante", confirme-t-on de source diplomatique européenne. Les regards sont donc tournés vers la réunion en forme de grand oral ce mercredi après-midi entre Pierre Moscovici et Jeroen Dijsselbloem.
Mais il est peu probable que le Français se prononce tout de suite. "Il veut en discuter avec Schäuble", explique-t-on dans son entourage.
La France n'a d'ailleurs pas totalement renoncé à faire durer le suspense en prolongeant le bail de Jean-Claude Juncker jusqu'aux élections allemandes, pour donner une seconde chance à son ministre des Finances.