Le président de la Banque centrale suisse, Philipp Hildebrand, a démissionné lundi à la surprise générale, éclaboussé par un scandale d'achat de devises qui a miné sa réputation de banquier rigoureux.
Après deux semaines de tensions autour d'un achat de devises d'un demi-million de dollars effectué par sa femme et d'accusations dans la presse, M. Hildebrand a annoncé qu'il avait "pris la décision de démissionner avec effet immédiat".
Alors qu'il avait jusqu'à présent refusé un tel geste, le banquier de 48 ans, entré à la BNS en 2003, a plié sous les accusations qui ont mis en mal sa crédibilité de président de l'institut d'émission.
L'objet du litige concerne une opération qu'a effectuée Mme Hildebrand le 15 août. Profitant de la faiblesse du billet vert face au franc suisse, elle a acheté environ 500.000 dollars, une somme revendue en octobre avec un bénéfice de 60.000 francs suisses (environ 49.000 euros au cours actuel).
La transaction a été révélée par un informaticien de la banque Sarasin, où le couple Hildebrand détient un compte. L'employé a remis les extraits de compte à un avocat proche du parti UDC, très critique vis-à-vis de la politique du patron de la BNS.
Un hebdomadaire proche de l'UDC, Weltwoche, a publié début janvier ces informations en affirmant que M. Hildebrand avait lui-même effectué ces opérations de devises en profitant de sa position de président.
Car le 6 septembre, la BNS a fixé un taux de change plancher pour soutenir ses exportateurs, faisant bondir le dollar face au franc suisse, ce qui aurait expliqué le profit réalisé.
Malgré une enquête diligentée par l'institut d'émission, qui a blanchi M. Hildebrand de tout soupçon de délit d'initié, et la publication des échanges emails entre M. et Mme Hildebrand et leur banquier montrant que le président de la BNS n'avait été informé qu'à posteriori des opérations de sa femme, le patron de la BNS a néanmoins dû démissionner.
"Je ne suis pas à même d'apporter la preuve irréfutable que ma femme a transmis à mon insu l'ordre concernant l'opération du 15 août", a admis M. Hildebrand, ajoutant cependant donner sa "parole d'honneur que c'est pourtant le cas".
Avec son départ de la tête de la BNS, il abandonne également sa fonction de vice-président du Conseil de stabilité financière (FSB), une organisation chargée de réformer le système bancaire international.
La BNS a dit "regretter la décision et les circonstances" qui ont conduit à son départ et précisé que le vice-président, Thomas Jordan, assumera dans l'immédiat la présidence.
Dans un communiqué, Mme Hildebrand s'est excusée pour la transaction, estimant n'avoir pas réalisée que cette opération allait faire du tort à son mari.
L'UDC a pour sa part favorablement accueilli le départ de M. Hildebrand, insistant que cette décision avait été "inévitable".
Les socialistes suisses ont quant à eux averti que la BNS devait "poursuivre sa lutte contre la surévaluation du franc", dans laquelle M. Hildebrand s'était engagée.
Répondant à ces craintes, la banque centrale a souligné qu'elle continuera à défendre "avec la plus grande détermination" le taux de changes plancher de 1,20 franc pour un euro instauré en septembre pour soutenir ses exportateurs.
Cet avertissement survient alors que le cours de la monnaie helvétique a brièvement bondi face à l'euro.
A 14H30 (13H30 GMT), la devise suisse s'échangeait à 1,2106 franc pour un euro, avant de se relâcher à 1,2133 EUR/CHF à 17H48.
Pour les analystes de CitiFX, la BNS aura du mal à défendre son cours plancher si la situation venait à empirer dans la zone euro et le cours de changes pourrait se rapprocher des 1,20 EUR/CHF. Ce niveau obligerait l'institut d'émission à agir.