par Guy Faulconbridge, Elizabeth Piper et John Chalmers
LONDRES/BRUXELLES (Reuters) - L'Union européenne et le Royaume-Uni ont conclu jeudi un accord sur leurs futures relations commerciales, sept jours seulement avant la sortie effective du Royaume-Uni du bloc communautaire qui marque le virage le plus important de la politique étrangère britannique depuis des décennies.
Conclu plus de quatre ans après le référendum de 2016 lors duquel les Britanniques se sont prononcés en faveur du Brexit, l'accord permet d'éviter un épilogue chaotique dans le feuilleton tortueux du divorce entre l'UE et le Royaume-Uni, qui a porté un rude coup au projet d'unité européenne né sur les ruines de la Deuxième Guerre mondiale.
L'accord va permettre de préserver l'accès sans quotas ni droits de douane du Royaume-Uni au marché unique européen, qui compte quelque 450 millions de consommateurs, mais n'empêchera pas des perturbations et des effets économiques indésirables pour le Royaume-Uni ou pour des Etats membres de l'UE.
De nombreux aspects des futures relations entre les deux blocs restent à définir, et ce processus pourrait s'étaler sur des années.
Le Parlement britannique a été appelé à se réunir le 30 décembre pour voter un projet de loi de mise en oeuvre de l'accord commercial conclu avec l'Union européenne. L'opposition travailliste a indiqué jeudi qu'elle soutiendrait l'accord.
A Bruxelles, les chefs de file des groupes politiques du Parlement européen se réuniront le 28 décembre pour discuter de l'issue des négociations entre l'UE et le Royaume-Uni, a fait savoir sur Twitter (NYSE:TWTR) un porte-parole. La présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen et le négociateur européen en chef Michel Barnier ont été conviés.
"JUSTE ET ÉQUILIBRÉ"
"Ce fût un chemin long et difficile. Mais nous avons un bon accord", a déclaré Ursula von der Leyen. "C'est un accord juste, équilibré et c'est la chose juste et responsable à faire de la part des deux parties", a ajouté la présidente de la Commission.
Le Premier ministre britannique Boris Johnson a diffusé sur Twitter une photo de lui-même à sa résidence de Downing Street sur laquelle on peut le voir lever les bras et les pouces en signe de victoire.
"Nous avons repris le contrôle de notre destinée", a-t-il dit au cours d'une conférence de presse. "Les gens ont dit que cela était impossible, mais nous avons repris le contrôle."
"L'unité et la fermeté européennes ont payé", a quant à lui réagi Emmanuel Macron, jugeant cet accord "essentiel pour protéger (les) citoyens, (les) pêcheurs et (les) producteurs français". "Nous nous assurerons que c'est bien le cas", a ajouté le président français sur Twitter.
Si le Royaume-Uni a formellement quitté l'UE le 31 janvier dernier, il est resté depuis lors intégré au marché unique et soumis aux normes européennes dans le cadre d'une période de transition courant jusqu'à la fin de cette année.
Boris Johnson a décrit l'accord de dernière minute comme un accord de libre-échange "énorme" dans la lignée de celui entre l'UE et le Canada. Il a aussi appelé les Britanniques à laisser derrière eux les divisions causées par le référendum de 2016 sur le sortie de l'UE.
L'IRLANDE SATISFAITE
L'accord va aussi contribuer au maintien de la paix en Irlande du Nord - une priorité annoncée par le président élu des Etats-Unis, Joe Biden, qui a prévenu Boris Johnson qu'il devait préserver les accords de paix de 1998.
L'Irlande a déclaré que l'accord, dont le contenu devrait être publié sous peu sur le site de la Commission européenne, protégeait ses intérêts autant qu'elle pouvait l'espérer.
L'accord officialisé ce jeudi ne concerne pas les services financiers, qui font de Londres la seule place à rivaliser avec New York. Le secteur des services représente 80% de l'économie britannique. L'accès au marché européen des banques et assureurs basés à Londres est une question traitée en parallèle des négociations sur cet accord commercial.
Une issue aux négociations commerciales semblait imminente depuis près d'une journée mais, dans la matinée, la conclusion d'un accord avait encore achoppé sur l'épineuse question de la pêche - un enjeu plus politique que véritablement économique entre Londres et Bruxelles.
Les deux camps se sont entendus sur une période de transition "raisonnable" de cinq ans et demi pour l'accès des pêcheurs européens aux eux britanniques, a déclaré Boris Johnson.
Quand, de manière inattendue, les Britanniques se sont majoritairement prononcés en faveur du Brexit en juin 2016, nombreux étaient ceux en Europe à espérer que le Royaume-Uni puisse rester aligné sur les normes européennes. Le virage sera bien plus important.
"Aujourd'hui est un jour de soulagement", a déclaré Michel Barnier. "Mais teinté d'une certaine tristesse, quand on compare ce qu'il y avait avant et ce qui nous attend désormais."
Le président du Parlement européen, David Sassoli, a déploré pour sa part que cet accord n'ait pu être conclu qu'in extremis, repoussant ainsi à "la nouvelle année" son examen par les parlementaires.
(Elizabeth Piper et Guy Faulconbridge; version française Jean-Michel Bélot, Bertrand Boucey et Jean Terzian)