Malmené par les marchés, bousculé par la Catalogne qui clame son droit à l'autodétermination et par la colère populaire qui grandit dans la rue, le gouvernement espagnol garde le cap sur la rigueur mais semble se résigner à l'inévitable: un sauvetage global de son économie.
Prochaine étape de la cure d'austérité destinée à remettre sur les rails les comptes du pays: le gouvernement de droite de Mariano Rajoy dévoile jeudi son projet de budget 2013 assorti d'un nouveau plan de réformes, un ensemble perçu comme le préalable à un sauvetage financier.
Parmi les mesures visant à récupérer 39 milliards d'euros, devrait figurer le gel des salaires des fonctionnaires pour la troisième année consécutive.
Au même moment, la quatrième économie de la zone euro souffre d'un regain de tension sur les marchés, les investisseurs semblant s'impatienter devant ses réticences à solliciter son sauvetage financier: les taux d'emprunt à dix ans de l'Espagne sont repassés mercredi au-dessus du seuil des 6% et la Bourse de Madrid a plongé de plus de 3%.
Et Mariano Rajoy, qui s'est toujours refusé à parler de "sauvetage", a fait un nouveau pas, dans un entretien au Wall Street Journal: si les taux d'emprunt de l'Espagne se maintenaient à un niveau "très élevé pendant trop longtemps", mettant en danger l'économie du pays et alourdissant sa dette, "je peux vous assurer à 100% que nous demanderions ce sauvetage", a-t-il dit.
Mais les conditions draconiennes imposées par Bruxelles, l'addition de 150 milliards d'euros d'économies prévues entre 2012 et 2014 pour réduire le déficit public à moins de 3%, alors que le pays ploie sous un chômage de 24,63%, font monter le mécontentement social.
Mercredi, des milliers de manifestants, souvent des jeunes de la mouvance des "indignés", se sont rassemblés pour la deuxième soirée consécutive aux abords du Congrès des députés, criant "Non, Non, Non, nous n'avons pas peur", "Gouvernement démission", face aux cordons de policiers anti-émeutes.
La veille au soir, des affrontements d'une violence rare pour l'Espagne avaient éclaté au même endroit en marge d'une manifestation qui rassemblait des milliers "d'indignés", pour dénoncer une "démocratie séquestrée" par les marchés financiers.
Après des mois de manifestations le plus souvent calmes, encadrées par les syndicats, les scènes d'émeutes mettant aux prises des groupes de jeunes cagoulés aux forces de l'ordre, même si elles restent marginales, traduisent une exaspération grandissante.
Depuis New York, après les violances de mardi, Mariano Rajoy a salué "l'immense majorité des 47 millions d'Espagnols" qui "ne manifeste pas".
Face à la crise, il a demandé à ses compatriotes "d'être à la hauteur" des circonstances et de ne pas "compromettre, à cause d'intérêts de court terme, la grandeur de comportement" du reste des citoyens espagnols.
La veille, il avait reçu un spectaculaire rappel à l'ordre de la part du président de la Catalogne Artur Mas, un nationaliste pourtant modéré, qui a lancé une bombe en annonçant des élections anticipées dans sa région pour le 25 novembre.
Artur Mas a été encore plus loin mercredi en affirmant qu'il n'hésiterait pas à braver l'opposition de Madrid en organisant un référendum sur l'autodétermination de la Catalogne.
Car dans cette région traditionnellement riche, poids lourd de l'Espagne avec 7,5 millions d'habitants, marquée par une profonde identité culturelle, la crise économique a réveillé une forte poussée indépendantiste.
Aujourd'hui région la plus endettée du pays, avec une ardoise de presque 44 milliards d'euros, soit 22% de son PIB, la Catalogne accuse le gouvernement central d'être responsable de ses difficultés et a demandé en août à Madrid une aide financière de cinq milliards d'euros.
Elle n'est pas la seule des 17 régions autonomes, piliers de la jeune démocratie espagnole dont les dérives financières fragilisent toute l'économie du pays, à avoir déjà appelé au secours: après Valence et Murcie, c'est mardi l'Andalousie qui a annoncé vouloir demander une aide de 4,9 milliards d'euros.