Le marché immobilier chinois, pilier de la deuxième économie mondiale, commence à battre de l'aile et pourrait entraîner dans sa chute d'autres secteurs ainsi que les marché mondiaux des matières premières, estiment les analystes.
Selon une enquête publiée cette semaine par le réseau Home Link China, 177 agences ont fermé au mois d'octobre à Pékin suite à une chute du nombre des transactions.
Et le nombre d'appartements invendus dans la capitale a dépassé 120.000 au mois d'octobre, son plus haut niveau en 29 mois, selon des chiffres officiels rapportés vendredi le Xinjing Bao (Nouvelles de Pékin).
Depuis octobre, des acheteurs récents ont protesté à Shanghai et dans d'autres villes contre des promoteurs immobiliers qui leur ont vendu des appartements juste avant de baisser leurs prix. Mais le gouvernement a exclu d'intervenir dans l'immédiat pour enrayer cette tendance.
Le Premier ministre Wen Jiabao a déclaré que les prix des logements, qui s'étaient envolés ces dernières années, devaient "redevenir raisonnables", et que les restrictions sur le crédit ou le nombre d'appartements que les particuliers peuvent acheter seraient maintenues. Ces mesures expliquent en grande partie le retournement du marché.
Face à des acheteurs potentiels qui préfèrent désormais attendre que la baisse se confirme, les promoteurs ont de plus en plus de mal à convaincre.
A Yueqing, près de Wenzhou (est), l'un d'entre eux est allé cette semaine jusqu'à offrir une BMW aux 150 premiers acquéreurs d'appartements dans un nouveau complexe résidentiel.
La voiture offerte coûte environ 300.000 yuans (34.700 euros), soit 13% de la valeur d'un appartement dans la résidence de luxe. D'autres promoteurs offrent la climatisation ou des garages gratuits.
D'après l'agence de notation Standard & Poor's, les prix pourraient tomber en moyenne de 10% d'ici un an.
"Je m'attends à une tendance négative sur plusieurs mois ou même plusieurs trimestres. Les prix ont tout juste commencé à baisser et les chiffres pour le mois d'octobre ne sont pas bons", a déclaré à l'AFP Zhang Zhiwei, analyste chez Nomura Securities à Hong Kong.
La baisse pourrait atteindre 15% et durera plus longtemps que celle de fin 2008 - début 2009 "car il n'y aura pas de plan de relance de 4.000 milliards de yuans" (462 milliards d'euros) comme celui décidé à l'automne 2009 par Pékin pour répondre à la crise financière, prédit de son côté Yao Wei, économiste pour la Chine de la Société Générale basée à Hong Kong.
Ce plan avait été accompagné pour l'ouverture en grand des vannes du crédit, contribuant à faire flamber les prix de l'immobilier en 2009 et 2010. Mais cette politique a engendré de l'inflation en gonflant la masse monétaire et en fragilisant les banques, contraignant Pékin à resserrer le robinet du crédit.
Les répercussions d'une crise du secteur de la construction de logements en Chine, qui draine un cinquième des investissements, vont se faire sentir dans d'autres secteurs, et au-delà des frontières chinoises.
"Pour l'économie mondiale, le secteur le plus touché sera celui des matières premières. La demande pour le ciment, l'acier, le béton ou l'aluminium seront affectées", estime Mme Yao. La Chine est le premier producteur mondial d'acier et de ciment.
"Si la baisse se confirme durant plusieurs mois, elle aura sûrement des conséquences sur l'économie mondiale", renchérit M. Zhang, qui invoque les mêmes raisons.
A un moindre degré, l'électroménager et l'électronique grand public pourraient aussi être touchés, les achats d'appartement allant souvent de pair avec l'acquisition de nouveaux appareils, ajoute Mme Yao.
La correction du marché devrait cependant rester limitée alors que la demande reste très forte dans un pays en voie d'urbanisation rapide.
"La plupart des investisseurs ne sont pas fortement endettés, ils ont beaucoup d'apport personnel", relève Ren Xianfang, de IHS Global Insight à Pékin. Mais "l'immobilier a été une vache à lait pour beaucoup d'entreprises" et beaucoup d'entre elles vont souffrir, prévient-elle.
Aussi la phase de correction qui s'amorce ne devrait-elle pas être suivie d'un boom pareil à celui des années 2009-2010, estime Yao Wei, qui prédit que les Chinois auront bientôt, en dehors de l'immobilier, plus de moyens à leur disposition pour faire fructifier leur épargne, notamment grâce au développement du marché obligataire.