Les services fiscaux américain, britannique et australien ont entamé une vaste enquête internationale après avoir reçu des milliers de fichiers informatiques sur des comptes secrets dans des paradis fiscaux, à l'heure où le secret bancaire semble plus que jamais menacé.
"Nous allons débusquer les fraudeurs", a averti vendredi le ministre britannique des Finances, George Osborne. "Le message est simple: si vous faites de l'évasion fiscale, nous serons à vos trousses".
"Il pourrait s'agir du début d'une des plus grandes enquêtes fiscales de l'histoire", selon le Consortium international de journalistes d'investigation (ICIJ), l'ONG de Washington qui avait début avril été à l'origine d'une cascade de révélations sur les paradis fiscaux baptisée "Offshore Leaks".
Les administrations fiscales de ces trois pays ont révélé dans des communiqués être en possession d'une vaste quantité de données sur des placements et montages financiers offshore qui vont leur permettre de traquer d'éventuels évadés fiscaux.
La masse de données dont elles disposent dépasse de loin celle de "l'Offshore Leaks": 400 gigabits d'informations alors que l'ICIJ, et ses 2,5 millions de fichiers secrets, n'avait obtenu "que" 260 gigabits.
Dans leurs communiqués, les trois administrations fiscales ne précisent pas quand elles sont entrées en possession de ces fichiers. Selon Gerard Ryle, le directeur de l'ICIJ, elles les détenaient en réalité "depuis de nombreuses années".
"J'ai du mal à comprendre pourquoi ils annoncent ça maintenant", a-t-il indiqué à l'AFP.
Pour le moment, rien n'a filtré sur le contenu précis de ces documents et sur les particuliers ou entreprises qui pourraient être mis à l'index.
Phase plus active
Le fisc britannique a toutefois relevé que ces données "dévoilaient l'usage intensif par de riches particuliers ou des entreprises de structures offshore complexes pour dissimuler des actifs" et a souligné que plus de 100 bénéficiaires avaient déjà été identifiés.
Son homologue américain, l'Internal revenue service (IRS), a précisé que Singapour, les Iles Vierges britanniques, les Iles Caïmans et les Iles Cook faisaient partie des juridictions visées par l'enquête.
"Des conseillers fiscaux pourraient également être visés par des amendes civiles et des poursuites pénales pour avoir promu des techniques d'évasion fiscale", a prévenu l'IRS.
Le ministère allemand des Finances a confirmé avoir reçu ces fichiers qui doivent, selon lui, permettre "de découvrir et combattre des stratégies et des modes opératoires (d'évasion fiscale) très complexes".
Après les révélations de la presse dans le cadre de "l'Offshore Leaks", cette enquête internationale ouvre une nouvelle phase plus concrète, selon le patron de la lutte contre les paradis fiscaux à l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).
"Ce sont à présent les administrations fiscales qui détiennent les données et qui vont pouvoir procéder à des vérifications", a expliqué à l'AFP Pascal Saint-Amans.
Cette enquête intervient quelques semaines après un nouveau coup porté au secret bancaire, clé de voûte de l'évasion fiscale.
Mi-avril à Washington, les ministres des Finances du G20 ont exhorté la communauté internationale à adopter "l'échange automatique d'informations", qui obligerait les banques partout dans le globe à informer les pays dès qu'elles reçoivent un dépôt d'un de leurs ressortissants.
"Il y a une forte pression en Europe sur les paradis fiscaux" depuis les révélations de "l'Offshore Leaks", estime Gerard Ryle. "Les dirigeants doivent donner l'impression de faire quelque chose parce que les gens sont ulcérés par ce qu'ils ont appris".
De nouvelles révélations sont à attendre, selon M. Saint-Amans. "Avec cette volonté politique, les gens commencent à sentir le vent tourner et de plus en plus d'informateurs se manifestent auprès des autorités".