Interdire les billets de 500 euros, renforcer les moyens de contrôle, obliger les banques à déclarer leurs opérations "en lien" avec des paradis fiscaux: pour une fois unanimes, des députés de droite et de gauche ont présenté jeudi trente mesures contre la fraude fiscale.
Elus de la majorité UMP-Nouveau centre, ou de l'opposition PS/PCF, ils souhaitent qu'elles soient défendues par Nicolas Sarkozy en France ou à Bruxelles, quelques jours avant le G20 de Pittsburgh (24-25 septembre).
"Nous souhaitons que le secret bancaire ou le secret professionnel ne soit plus invoqué quand il s'agit de fraude fiscale. Pour nous, c'est un délit", a déclaré le président PS de la commission des Finances de l'Assemblée, Didier Migaud.
Au passage, M. Migaud a de nouveau confirmé l'existence d'une liste de résidents fiscaux français détenant des comptes en Suisse.
Pour l'Etat, la fraude fiscale représente une perte de recettes de 29 à 40 milliards d'euros, selon une estimation du Conseil des prélèvements obligatoires en 2007.
"Nous pensons qu'il y a une conjoncture favorable et qu'il faut aller le plus loin possible", a ajouté le rapporteur UMP du Budget, Gilles Carrez.
Plus sceptiques, Henri Emmanuelli (PS) et Jean-Pierre Brard (app. PCF) ont estimé que, même en période de crise, les bonnes intentions n'ont pas été relayées dans les faits.
"En matière de bonus, je considère que l'on n'a rien fait. On a des promesses", a déploré M. Emmanuelli.
M. Brard a rappelé que 24 parlementaires avaient fait des propositions sur la crise avant le G20 de Londres début avril. "Le président (Sarkozy) avait dit qu'elles étaient très utiles. Quand nous lui avons demandé ce qu'il en faisait par rapport au G20, le poste était débranché...".
Les députés recommandent que la France plaide auprès de ses partenaires européens pour la suppression du billet de 500 euros.
"Depuis la disparition du billet de 1.000 dollars, le billet de 500 euros représente la valeur en espèces la plus importante. Or, le blanchiment d'argent sale passe très souvent par le recours aux espèces", expliquent-ils.
Pour les mêmes raisons, ils veulent aussi "fixer les seuils d'interdiction de paiement en espèces à 3.000 euros pour les particuliers et à 1.100 euros pour les commerçants".
La France doit aussi se doter de sa propre liste de "territoires non-coopératifs" avec l'administration dans la traque de l'évasion fiscale.
La Suisse est-elle visée? "En Suisse, il semble qu'on considère que voler la collectivité n'est pas un délit", a lancé Henri Emmanuelli, qui incarne l'aile gauche du PS.
"Nous espérons que cela change", a tempéré Didier Migaud, en mentionnant un avenant à la convention fiscale entre la France et la Suisse qui doit permettre un échange d'informations bancaires entre les deux pays. Elle doit encore être ratifiée par la Suisse, a-t-il souligné.
Les députés veulent aussi "accroître les moyens de contrôle" de l'administration sur les fraudeurs.
En plus de la cellule de lutte antiblanchiment Tracfin, ils suggèrent de créer "un service fiscal d'enquêtes", avec des agents dotés de la qualité de police judicaire, sous l'autorité du parquet.
Cette recommandation pourrait faire l'objet d'un amendement au projet de loi de finances 2010 examiné à l'Assemblée mi-octobre, avec cette année déjà à l'ordre du jour la taxe carbone.
Les députés français veulent aussi obliger les établissements financiers à déclarer toute opération "en lien" avec un paradis fiscal.