La commission Juppé-Rocard sur le grand emprunt propose un investissement public "tourné vers l'innovation" de 35 milliards d'euros, montant qui pourrait atteindre 60 milliards via d'autres financements, selon le rapport remis jeudi à Nicolas Sarkozy, dont l'AFP a obtenu une copie.
Dans ce rapport de 128 pages intitulé "investir pour l'avenir", la commission ne se prononce par sur le montant à emprunter mais uniquement sur les dépenses nécessaires pour financer "sept priorités stratégiques", dont la principale est le soutien à l'enseignement supérieur et à la recherche.
Elle n'évoque pas non plus les modalités du futur emprunt (auprès des particuliers ou sur les marchés).
Selon la commission, les "besoins identifiés au titre de ces sept priorités stratégiques correspondent à un investissement de l'Etat de 35 milliards d'euros tourné vers l'innovation".
"Par effet de levier vis-à-vis des financements privés, locaux et européens, l'emprunt national devrait finalement correspondre à un investissement total de plus de 60 milliards d'euros", ajoutent les experts pilotés par les anciens Premiers ministres Michel Rocard et Alain Juppé.
Le soutien à l'enseignement supérieur, la recherche et l'innovation se taille la part du lion, avec 16 des 35 milliards d'investissements publics préconisés.
Suivent la "ville de demain" (4,5 milliards), la "société numérique" (4 milliards), le développement des "énergies décarbonnées" et "l'efficacité dans la gestion des ressources" (3,5 milliards), la "mobilité du futur" (3 milliards), les "sciences du vivant" (2 milliards) et les "PME innovantes" (2 milliards).
La commission Juppé-Rocard n'a sélectionné aucun "projet individuel" mais répartit l'investissement entre 17 grands programmes porteurs d'une "rentabilité directe" ou "indirecte".
Ces investissements doivent selon elle être gérés par "un dispositif rigoureux de gouvernance". Les fonds seraient ainsi "affectés à des organismes gestionnaires" et "gérés de manière étanche par rapport au reste du budget".
Un "comité de surveillance de l'emprunt national doit être créé "auprès du Premier ministre", écrivent les auteurs du rapport.
"L'urgence justifie l'action", affirment Michel Rocard et Alain Juppé, "si la France veut demeurer parmi les bâtisseurs d'avenir, elle doit s'en donner, vite les moyens".
Selon les anciens chefs de gouvernement, "il y a deux façons de mal préparer l'avenir: accumuler les dettes pour financer les dépenses courantes; mais aussi, et peut-être surtout, oublier d'investir dans les domaines moteurs".
Alors que le futur emprunt va peser sur des finances publiques déjà très dégradées par la crise et que la Commission européenne demande à la France de rétablir rapidement l'équilibre, les experts recommandent un "débat" sur des "règles contraignantes de réduction des déficits".
Ils conseillent aussi au gouvernement de "réduire les dépenses courantes à hauteur de la charge d'intérêts supplémentaire générée par l'emprunt national".
Le président Sarkozy devrait rendre ses arbitrages début décembre.
Mais plusieurs point semblent déjà tranchés: l'emprunt devrait être lancé seulement sur les marchés, et non auprès des particuliers, et son montant tournerait autour de 20 milliards d'euros, le reste des investissements étant financé par les 13 milliards d'aides récemment remboursées à l'Etat par les banques.