Responsables français et européens ont appelé dimanche à approfondir la zone euro, en la dotant d'un budget et en stimulant les investissements, condition pour permettre à l'Europe d'aller de l'avant pour surmonter le choc du Brexit.
L'avis est unanime pour les ministres et représentants d'institutions politiques et monétaires européens et français, réunis pour clôturer trois jours de Rencontres économiques à Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône): il est urgent d'agir, et de façon résolue.
"Le statu quo ne peut pas être une réponse au Brexit", a estimé le commissaire européen aux Affaires économiques, Pierre Moscovici, appelant à "une offensive européenne".
Alors que les dirigeants européens doivent se retrouver le 16 septembre à Bratislava pour un sommet à 27 sur l'avenir de l'Union sans le Royaume-Uni, M. Moscovici a indiqué que la France et l'Allemagne, couple moteur de l'UE qui a une "responsabilité particulière" dans ce processus, avaient déjà des points d'accord, sur l'idée d'une Europe qui "protège davantage" ses citoyens, et d'une Europe "plus efficace" sur le plan économique, créant davantage d'emplois et de croissance.
M. Moscovici a par ailleurs jugé que la zone euro à 19 devait s'approfondir, via une "politique économique commune". "Nous ne pouvons pas contourner un budget de la zone euro", a-t-il dit, plaidant pour un ministre des Finances de la zone euro.
Un point de vue partagé par le ministre français de l’Économie, Emmanuel Macron, défenseur depuis longtemps d'un renforcement de la zone euro.
"Nous nous sommes un peu paralysés à considérer qu'il y avait des géographies interdites, et on a passé des mois et des mois à ne pas oser se réunir en format zone euro, en pensant que ça allait contrarier les Polonais et les Britanniques", a-t-il déclaré. "Ils viennent durant les derniers mois de nous remercier de cette pudeur", a-t-il ironisé.
Selon le ministre, "il y a une Europe qu'il faut tenir qui est celle du marché unique, qui est le fruit de l'élargissement" et un "club à 19", la zone euro, qui "suppose un travail d'approfondissement".
- Relance par l'investissement -
Et dans cet espace à 19, l'investissement est la clef pour stimuler la croissance.
"La politique d'investissement, en termes de relance, est un des éléments dont on va devoir parler au sein de la zone euro", a renchéri Didier Reynders, ministre belge des Affaires étrangères.
"Le débat majeur dans les décisions à prendre rapidement, c'est de voir comment à côté de la politique monétaire (...) avoir une vraie politique budgétaire, mais pas simplement en regardant les déficits et les endettements, c'est d'avoir une politique d'investissement à plusieurs en Europe", ainsi que des politiques fiscale et sociale, a-t-il expliqué.
Pour M. Moscovici, le plan Juncker, "sans doute insuffisant, et dans l'ampleur, et dans le temps", est dans cette optique un "fer de lance".
Le plan Juncker, dont l'objectif est de relancer la croissance et l'emploi en Europe, doit permettre de mobiliser 315 milliards d'euros d'investissements en trois ans (de 2015 à 2018), via un fonds pour les investissements stratégiques, le FEIS.
Ce fonds est financé par le budget européen et la Banque européenne d'investissement (BEI) à hauteur de 21 milliards d'euros, et doit attirer ensuite des investisseurs privés qui souhaiteraient financer des projets dans des secteurs comme l'énergie, les infrastructures ou encore la recherche.
Début juin, la Commission européenne a proposé de prolonger ce plan au-delà de 2018.
Soulignant que l'UE investissait environ "10% de moins" qu'en 2008, M. Moscovici a indiqué avoir rendu un rapport, avant d'entrer à la Commission européenne, estimant à 100 milliards d'euros par an le manque d'investissements en Europe. "Mais en réalité, c'est peut-être encore davantage qu'il nous faut", a-t-il dit.
Mais au-delà du plan Juncker, priorité doit être donnée "au capital humain", a jugé le commissaire européen.
Dans cette perspective, le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, a plaidé pour une meilleure utilisation des excédents d'épargne, qui atteignent 300 milliards d'euros, pour abonder un autre plan, destiné cette fois-ci à financer l'éducation, un programme d'apprentissage paneuropéen et l'innovation.