Le paysan Seiichi Seto a tout perdu lors du tsunami: sa famille, sa maison, ses terres. Il espère désormais relancer des cultures de légumes grâce au soutien du micro-crédit, un mode de financement qui gagne en popularité dans la région sinistrée du nord-est nippon.
"Si je ne fais rien, je n'aurai pas à manger, mais les banques et les coopératives agricoles ne nous prêtent rien", souligne M. Seto, 62 ans, ruiné par la catastrophe du 11 mars dans le Tohoku qui a fait près de 20.000 morts et disparus.
Démuni, comme un nombre croissant de petits entrepreneurs de la région, il s'est tourné vers une société de micro-crédit afin d'obtenir de l'argent pour son projet de culture hydroponique de légumes à Sendai (nord-est).
Popularisé dans les pays pauvres par le prix Nobel de la paix bangladais Muhammad Yunus, ce type de financement était jusqu'à présent très confidentiel dans la troisième puissance économique mondiale. Mais les circonstances exceptionnelles vécues par les habitants du Tohoku lui ont donné un certain dynamisme.
"Il y a un grand besoin en capitaux dans la région", explique Masami Komatsu, directeur de Music Securities, une firme de micro-crédit de Tokyo, habituée à soutenir les musiciens dans le besoin, mais dont les activités se sont élargies depuis le désastre.
Selon lui, les entrepreneurs individuels et très petites entreprises ne peuvent bénéficier d'assez d'aide des pouvoirs publics ni des banques, aussi le financement à petite échelle répond-il à leur besoin.
N'importe qui peut soutenir l'un des projets jugés suffisamment sérieux et sélectionnés par Music Securities, par tranche de 10.000 yens (environ 100 euros). La moitié de cette somme constitue un don, le reste correspond à un investissement rétribué à moyen terme en fonction de la réussite de l'emprunteur.
En moins d'un mois, M. Seito a levé plus de 700.000 yens (7.000 euros) pour son plan. La souscription est ouverte jusqu'à la fin du mois de mai.
A l'instar de l'agriculteur, nombre de paysans, artisans et petits manufacturiers ont vu leurs équipements, leurs usines et parfois leurs salariés emportés par le raz-de-marée géant déclenché par un séisme de magnitude 9.
Seitoku Iwai espère obtenir 12 millions de yens (120.000 euros) pour relancer le petit commerce de sake (alcool de riz) et de porcelaine tenu par sa famille depuis deux siècles dans la ville martyre de Rikuzentakata.
"Nous ne proposons pas de produits de première nécessité, comme la nourriture, aussi pensais-je tout abandonner", raconte M. Iwai. "Mais nos clients nous ont demandé quand notre boutique rouvrirait, aussi peut-être avons-nous une certaine importance dans le coeur des habitants."
Des fabricants d'udon (grosses pâtes traditionnelles de blé), de sauce de soja ou bien des cultivateurs de fraises figurent parmi les demandeurs.
Au vu des risques, la plupart des investisseurs ne sont pas motivés par l'appât du gain, mais plutôt par l'envie de contribuer à la reconstruction d'un territoire sinistré.
Kazushige Honda, un entrepreneur de Tokyo de 58 ans, a donné 10.000 yens à deux producteurs de fruits de mer, bien qu'il ne connaisse personne dans le Tohoku.
"Beaucoup de gens se sont portés volontaires dans cette région pour nettoyer les débris ou préparer des repas. Cela m'était difficile, mais je pouvais offrir un investissement", explique-t-il.
Début décembre, 28 entreprises avaient sollicité plus de 900 millions de yens (9 millions d'euros) auprès de Music Securities et récolté environ la moitié de cette somme provenant de plus de 13.500 investisseurs.
Mais M. Komatsu espère qu'à long terme, les commerces et entreprises touchés par le tsunami deviendront suffisamment viables pour s'adresser aux réseaux de financement traditionnels.