Criblé de dettes, le Portugal a trouvé la parade pour inciter ses contribuables à se rallier à la lutte contre la fraude fiscale : à partir d'avril, une tombola attribuera chaque semaine une voiture haut de gamme à des consommateurs ayant exigé des factures.
Le fisc portugais pourra ainsi compter sur une petite armée de disciples prompts à réclamer à tout moment aux commerçants de faire figurer sur le reçu leur numéro d'identité fiscale, sésame pour décrocher le lot hebdomadaire.
Le coup d'envoi de cette opération, baptisée "factures de la chance", a été donné jeudi en Conseil des ministres. Le Portugal a inscrit à cet effet une dépense de 10 millions d'euros au budget 2014, qu'il espère largement contrebalancer par des recettes fiscales supplémentaires.
"Chaque semaine, une voiture haut de gamme sera tirée au sort", a expliqué devant la presse le secrétaire d'Etat aux Affaires fiscales, Paulo Nuncio, qui table en 2014 sur "une augmentation de 50% des factures transmises au fisc".
Ces loteries ne manqueront pas de susciter l'engouement des Portugais, fervents adeptes d'Euro Millions et autres Totobola.
"Compte tenu du goût prononcé pour le jeu des Portugais, ils seront nombreux à demander des factures. Mais je ne suis pas sûr que l’Etat augmentera ses recettes de façon significative", a commenté à l'AFP Nuno Gonçalves, spécialiste de l’économie parallèle à l’Université de Porto.
Toutes les factures sollicitées par des particuliers depuis le 1er janvier et transférées au fisc seront versées à ces tirages au sort qui seront retransmis par la télévision.
Consommer un petit café dans un bar, faire ses courses au supermarché ou s'offrir un voyage de luxe, toutes les factures sont bonnes pour participer à la tombola et leur montant n'a pas d'incidence sur les chances de tirer le gros lot, assure le gouvernement.
D'ailleurs, les contribuables pourront cumuler la participation aux tombolas avec un autre avantage, celui de pouvoir déduire de leur impôt sur le revenu 15% de la TVA acquittée lors du paiement de factures chez le coiffeur, le garagiste ou encore au restaurant.
L'économie souterraine, 25% du PIB
Ces secteurs échappent régulièrement au contrôle du fisc portugais. L'économie souterraine représente plus d'un quart du PIB du Portugal, contre moins de 10% en 1970, selon l'Observatoire du contrôle de la fraude de l'Université de Porto.
"L'initiative du gouvernement touchera des activités de dimension modeste comme les petits commerces, les coiffeurs ou les mécaniciens, mais pas la grande évasion fiscale que l’on observe dans les professions libérales ou la construction", déplore Nuno Gonçalves.
Sous assistance financière internationale depuis mai 2011, le Portugal a mis en oeuvre un programme de rigueur qui s'est traduit par des hausses d'impôt de plus de 30%. Si le pays a réduit ses déficits, sa dette continue à déraper, atteignant 129,4% du PIB. D'où la nécessité de renflouer par tous les moyens les caisses de l'Etat.
Les loteries censées combattre la fraude fiscale ne sont pas une spécialité portugaise, il en existe déjà au Brésil, en Slovaquie, à Malte ou encore à Taïwan.
En Grèce, pour les mêmes raisons le gouvernement avait consenti des réductions fiscales aux consommateurs-contribuables qui présentaient les factures de leurs achats de l'année.
Le gouvernement portugais n'en est pas à son coup d'essai. Le fisc a encaissé l'an dernier 1,25 milliard d'euros grâce à une amnistie partielle incitant les contribuables retardataires à s'acquitter de leurs dettes.
Mais il y a eu aussi des couacs dans la chasse aux fraudeurs fiscaux. Lorsque le gouvernement a décrété début 2012 des amendes allant jusqu'à 2.000 euros pour les contribuables qui rechignent à demander des factures, le peuple s'est rebiffé.
Incités par le mouvement de citoyens "Révolution blanche", des milliers de Portugais ont protesté contre cette mesure impopulaire en envoyant au fisc des factures frauduleuses assorties du numéro fiscal de leur Premier ministre, Pedro Passos Coelho.