Cinq à six millions de Français ont un accès restreint aux banques ou rencontrent des difficultés dans leur utilisation, une "exclusion bancaire" à laquelle "il est temps" de s'attaquer car elle "aggrave l'exclusion sociale", ont alerté associations et élus locaux mercredi.
"Accès refusé à un conseiller", frais en cascade, parfois jusqu'à l'interdit bancaire, "incompréhension des modalités des crédits renouvelables": "l'exclusion bancaire" touche "entre 5 et 6 millions de personnes fragiles ou précaires, des bénéficiaires de minima sociaux aux personnes âgées en passant par les chômeurs, les jeunes ou les ménages surendettés.
"Il est urgent d'agir", alertent mercredi la Croix-Rouge, le Secours catholique et l'Union nationale des centres communaux d'action sociale (Unccas) dans un "Manifeste pour l'inclusion bancaire en France des populations fragiles".
Car "l'exclusion bancaire provoque et aggrave la spirale de l'exclusion sociale", a souligné le professeur Jean-François Mattei, président de la Croix-Rouge française, lors de la présentation du document au Conseil économique, social et environnemental (CESE).
Ses conséquences sont "extrêmement graves", a-t-il expliqué: "privations" pour vivre avec un budget réduit par les frais bancaires, renoncement à financer des frais de santé ou un projet d'emploi, "mal-être personnel" qui peut aller jusqu'à la "rupture familiale".
De fait, la législation n'a cessé d'améliorer l'accès aux services bancaires depuis l'instauration d'un "droit" à un compte en 1984, mais si 99% des Français en possèdent désormais un, ils ne sont pas tous "égaux" lorsqu'il s'agit de l'"utiliser", souligne le Manifeste.
"Illettrisme de l'argent"
Problème de compétences: "pour certaines catégories de personnes, il existe un véritable illettrisme de l'argent", a expliqué M. Mattei.
Problème d'information et d'accompagnement aussi de la part des banques: "le système bancaire est extrêmement performant pour tous ceux qui ont les moyens de rembourser et extrêmement exclusif pour tous ceux qui ne les ont pas", a relevé le président du CESE, Jean-Paul Delevoye.
Associations et Unccas reconnaissent que les banques font des efforts, certaines même plus que d'autres, notamment la Banque Postale qui a dit "soutenir" l'initiative, dans un communiqué, mais cela reste "insuffisant", selon les associations.
Le Manifeste "ne prend pas en compte les progrès accomplis ces dix dernières années en matière d'accompagnement des personnes fragiles", répond Pierre Bocquet, directeur Banque de détail à la Fédération bancaire française (FBF).
Les banques font déjà beaucoup, dit-il: microcrédit accompagné, initiative pédagogique "Les Clés de la banque" avec un site internet et des dépliants distribués localement, partenariats dans les départements avec l'Unccas et les associations pour améliorer le suivi des clients en difficultés.
Elles ont aussi développé une "gamme de moyens de paiement alternatifs" (GPA) au chèque, avec "des services essentiels": pour 3 euros en moyenne par mois, le client est informé par SMS de la position de son compte et dispose d'une carte "à autorisation systématique", qui vérifie son solde avant le déblocage du paiement.
Mais pour les associations, il faut aller au-delà. Notamment créer un "institut public indépendant" qui "certifierait" les banques au regard de leurs actions, afin de les inciter à "améliorer leurs pratiques".
Autre piste: "renforcer l'éducation budgétaire et financière" des clients via des plate-formes locales apportant une aide "globale", sociale, budgétaire, juridique et psychologique.