Une usine automobile condamnée transformée en un site moderne de panneaux solaires: à Vénissieux (Rhône), l'allemand Bosch a réalisé le rêve de tout ministre du Redressement productif.
Mais les temps difficiles du photovoltaïque jettent déjà une ombre sur ce symbole de "transition énergétique".
Inaugurée en mars après seulement quelques mois de chantiers et 25 millions d'euros d'investissement, l'usine d'assemblage de la banlieue lyonnaise --la plus grande de France-- peut produire jusqu'à 2.000 panneaux par jour sur ses deux lignes de production.
Quelque 200 emplois ont été sauvés dans ce bâtiment même où Bosch fabriquait des pompes à moteur diesel devenues trop polluantes pour les normes européennes.
"C'était bien noir partout avec des machines qui n'avaient pas bougé depuis une vingtaine d'années", se souvient Jean-Marc Auffret, le patron de la branche solaire France de Bosch. "Il n'y a plus d'huile, moins de bruit", confirme Mahfoud Mazouzi, 55 ans, dont 33 comme ouvrier ici.
Derrière lui contraste aujourd'hui un blanc aveuglant qui illumine les chaînes d'assemblage où circulent les panneaux.
Mais ce tableau lumineux est aujourd'hui quelque peu obscurci: le marché du photovoltaïque est en pleine crise.
Sous l'effet notamment de la concurrence forcenée de la Chine -qui compte sept de dix leaders mondiaux-- et de la baisse des aides publiques, les prix des panneaux se sont effondrés de près de 65% depuis début 2011, selon Bosch.
Les importantes surcapacités des usines (capables de produire deux fois plus qu'actuellement) préfigurent une accélération des faillites déjà nombreuses et des fusions. Une hécatombe dont le groupe industriel allemand, diversifié dans l'automobile ou l'outillage, espère bien sortir gagnant.
"C'est le pari qu'on fait, qu'on sera un des survivants de la consolidation du secteur qui va évidemment se faire dans les années qui viennent", explique à l'AFP Guy Maugis, le patron de Bosch France.
"On va avoir toute une série en Europe mais aussi en Asie qui va disparaître, parce que c'est actuellement très difficile quand on ne fait que cette activité là", souligne-t-il.
"mesures d'urgence"
En témoigne le cas français: selon le syndicat professionnel du solaire Enerplan, les effectifs dans l'Hexagone ont déjà chuté sous les 15.000 depuis fin 2010, soit environ 10.000 suppressions d'emplois.
Et la production de panneaux ne représente guère que 1.300 emplois --le pionnier isérois Photowatt ayant été sauvé in extremis par un rachat opportun d'EDF au printemps. L'auvergnat Auversun est en redressement judiciaire.
Ce même mardi où Bosch faisait visiter son usine à Vénissieux, le tribunal de commerce de Lyon a trouvé un repreneur à Evasol, un installateur photovoltaïque en dépôt de bilan, mais qui ne conservera que 41 salariés sur 89.
"Les politiques n'ont pas été pour grand chose dans la réussite de la reconversion industrielle du site de Vénissieux. Mais aujourd'hui ils ont un rôle important", fait valoir Marc Soubitez, syndicaliste CFDT de l'usine.
Le gouvernement vient notamment de confirmer l'instauration d'un bonus de 10% pour l'électricité produite à partir de panneaux européens. Mais les quelques "mesures d'urgence" annoncées après la conférence environnementale ont globalement déçu.
"Nous vivons l'urgence d'un incendie et on nous propose de construire une caserne de pompiers", a estimé mardi le président d'Enerplan, Thierry Mueth.
La capacité de production de panneaux solaires en France avoisine aujourd'hui les 1.000 mégawatts (dont 150 MW à Vénissieux). Soit environ trois fois moins que ce peut produire chacun des leaders chinois.