Le groupe européen EADS a exprimé sa déception vendredi au lendemain de la décision du Pentagone d'attribuer le contrat de ravitailleurs de l'armée de l'Air américaine à son grand rival américain Boeing mais ce revers n'ébranle pas ses ambitions de développement aux Etats-Unis.
"On est déçu et perplexe. On s'interroge sur les raisons pour lesquelles on a perdu. Je crois que l'US Air Force a indiqué hier (jeudi) soir que c'était une question de prix", a déclaré vendredi le président exécutif Louis Gallois.
Le dirigeant attend un "débriefing" lundi pour connaître les motivations de Washington et décider de faire appel ou non.
Après des années de rebondissements politico-juridiques, Boeing a remporté pour la deuxième fois ce contrat géant de 179 appareils, évalué à plus de 30 milliards de dollars. Le fabricant américain doit livrer un premier lot de 18 appareils d'ici 2017.
EADS, maison mère d'Airbus, s'était lancé cette fois-ci sans partenaire principal, avec le soutien toutefois de centaines d'équipementiers américains.
Le groupe européen vantait la version militaire de son A330, le KC-45, comme "le seul véritable avion-ravitailleur déjà en activité", promettait que sa production aux Etats-Unis y générerait 48.000 emplois et avait revu dernièrement ses prix à la baisse, si bien qu'Airbus était donné favori ces derniers temps.
A Berlin comme à Bruxelles et à Toulouse, siège d'Airbus, les regrets étaient sur toutes les lèvres.
"Du point de vue allemand, c'est une occasion manquée de renforcer la coopération transatlantique", a déclaré le porte-parole de la chancelière allemande Angela Merkel.
La Commission européenne a toutefois estimé qu'il revenait à EADS de décider des "prochaines étapes".
M. Gallois a tenu à rassurer, affirmant que ce revers ne changeait pas la "trajectoire économique" d'entreprise à moyen comme à long terme. "Nous avons perdu une occasion de +business+, il faut en trouver d'autres".
"Nous avons d'autres perspectives avec le Pentagone, notamment d'hélicoptères et nous pouvons développer d'autres activités aux Etats-Unis dans le domaine de la sécurité, des services, de la défense et nous avons des idées dans ce domaine que je ne peux pas développer ici", a-t-il encore expliqué.
Le syndicat des cadres CFE-CGC d'Airbus a lui déploré "une décision politique plus que technique et économique".
Ce revers dans un dossier "aussi politique" n'est pas une surprise et n'affecte pas véritablement le groupe, ont également estimé des analystes financiers.
"Nous avons livré une féroce bataille à notre concurrent et nous l'avons forcé à faire une offre à un prix très bas", a commenté de son côté Tom Enders, le patron d'Airbus.
Néanmoins, remporter le contrat aurait donné à EADS un atout stratégique.
"Psychologiquement, cela aurait été une victoire considérable en terme de pénétration de marché", a commenté Christophe Menard, de Kepler capital markets.
Le groupe aurait également pu bénéficier de la zone dollar pour pallier les effets de change qui le pénalisent.
Interrogé sur l'impact sur le long-courrier A330 dont la version cargo devait être assemblée aux Etats-Unis, Louis Gallois a rétorqué que l'augmentation des cadences se fera dans les installations actuelles.
L'ancien ministre français de l'Industrie, Christian Estrosi, a incité EADS à faire appel, déplorant le protectionnisme américain sur Europe 1.
De son côté, le député UMP Bernard Carayon a dénoncé les méthodes "inqualifiables" des Etats-Unis qui ne respectent pas "les règles du marché".
La ministre de l'économie, Christine Lagarde, plus mesurée, a simplement loué Airbus, "une entreprise magnifique" capable de faire face aux défis de la concurrence.