Les artisans du projet de coopérative ouvrière (Scop) pour SeaFrance ont renvoyé mercredi la balle dans le camp du président Nicolas Sarkozy, jugeant que sa proposition de racheter la compagnie de ferries en Manche avec des indemnités de licenciement n'était "pas faisable".
La solution esquissée lundi par le président de la République "ne peut être envisagée en raison de l'insécurité juridique qu'elle engendre", écrivent les leaders de la CFDT, qui défendent ce projet, dans une lettre ouverte recensant toute une série d'obstacles juridiques, commerciaux et techniques.
"On ne refuse pas l'offre de Sarkozy, on le remercie même, mais on dit que ce n'est techniquement pas faisable", a dit à l'AFP Didier Cappelle, l'un des partisans de la Société coopérative et participative (Scop).
"Etant donné que ce qu'il a proposé n'est pas possible, on lui demande de faire une table ronde pour qu'il puisse sauver les emplois" en urgence. Le dossier de la Scop, pour laquelle il manque 50 millions d'euros, doit être rendu vendredi soir, avant une ultime audience lundi devant le tribunal de commerce de Paris.
Nicolas Sarkozy, qui suit de très près la question de l'emploi et des restructurations à trois mois de la présidentielle, a pris tout le monde de court lundi en décidant d'aider les SeaFrance, alors que ses ministres étaient peu optimistes.
Le président a demandé à la SNCF d'apporter son aide en versant des indemnités exceptionnelles aux salariés pour leur permettre de les réinjecter dans la coopérative.
Il a par ailleurs proposé que la SNCF rachète les bateaux afin de les relouer par la suite pour une somme modique à la Scop, seule offre en lice pour reprendre la compagnie qui emploie 880 personnes en CDI à Calais (Pas-de-Calais) et qui génère au moins autant d'emplois indirects.
En préalable à ces mesures, M. Sarkozy jugeait toutefois "inéluctable" la liquidation définitive de SeaFrance.
Candidat du PS à la présidentielle et rival de M. Sarkozy, François Hollande a dit "comprendre" la réaction de la CFDT : "Comment demander à des familles des salariés de mettre leurs indemnités de licenciement, fussent-elles abondées par une prime (...) pour devenir exploitants d'une entreprise dont ils n'auraient en définitive aucun actif en pleine propriété?".
Le ministre des Transports Thierry Mariani a au contraire fustigé "une très grosse impréparation" de la CFDT. "Ce que le gouvernement propose, c'est ce que les syndicats demandaient il y a trois semaines. On ne peut pas avoir sans cesse un partenaire qui change de position", a-t-il dit sur BFMTV.
Pour sa part, la présidente du Medef Laurence Parisot a reproché au tribunal de commerce d'avoir écarté l'offre de reprise de la compagnie déposée par le groupe Louis Dreyfus Armateurs (LDA).
Selon la Scop, les propositions du président Sarkozy engendrent "l'incertitude". "S'il y a liquidation, la SNCF ne pourra peut-être pas racheter les navires qui seront vendus aux enchères", a souligné M. Cappelle.
"Après il faudra (...) renégocier avec le port de Douvres et de Calais pour avoir le droit d'accoster. On perd le nom commercial, les systèmes de réservation fret et passager et donc l'accès à la clientèle", selon lui.
"Il faudra aussi recréer une filiale en Angleterre (...) indispensable à la gestion des escales" du côté britannique de la Manche. Enfin, une liquidation entraînerait des départs de salariés qualifiés et donc une "perte des compétences clés, notamment commerciales, informatiques", selon M. Cappelle.
Les défenseurs de la Scop affirment toutefois que "des solutions existent" pour financer leur projet, par le biais d'un prêt remboursé en vendant un navire à une société d'économie mixte.
Depuis la mi-novembre, les quatre navires de Seafrance sont retenus à quai en raison de craintes pour la sécurité. Ses clients ont été récupérés par le concurrent britannique P&O ainsi que par Eurotunnel.