Spontanément, ils se sont rassemblés dimanche soir par milliers dans les rues de Madrid, répondant à des appels lancés sur les réseaux sociaux: pompiers, policiers, fonctionnaires de toutes professions, ils ont crié leur colère contre le plan de rigueur du gouvernement espagnol.
"Cela s'est passé de manière spontanée, nous nous sommes rassemblés via les réseaux sociaux, des messages sur les mobiles", explique Miguel Rodriguez, un pompier madrilène âgé de 21 ans, qui a enlevé de sa chemise d'uniforme les insignes officiels, pour venir manifester.
Première étape de ce parcours nocturne, improvisé et pacifique: le siège du Parti populaire, le parti de droite du chef du gouvernement Mariano Rajoy. "Tous ensemble nous pouvons", "Mains en l'air, ceci est un hold-up", crient les manifestants avant de faire demi-tour face aux cordons de police.
Ils vont ensuite parcourir les avenues du centre de Madrid, vers la place de la Puerta del Sol, en plein coeur de la ville, puis vers le Parlement, protégé par des dizaines de camions de police qui barrent les rues et transforment le quartier en camp retranché.
"C'est une manifestation de fonctionnaires, je ne sais pas où nous allons", lâche dans un sourire un policier, en mission celui-ci, encadrant le défilé.
Le mot d'ordre s'est propagé très vite, dimanche, sur les téléphones portables et les réseaux sociaux, ignorant l'appel officiel à manifester lancé par les deux grands syndicats espagnols, UGT et CCOO, pour le 19 juillet.
Car la colère monte en Espagne depuis l'annonce mercredi d'un nouveau plan de rigueur, visant à économiser 65 milliards d'euros d'ici à la fin 2014. Au programme, une hausse de la TVA, une baisse des indemnités chômage et la suppression pour les fonctionnaires de la prime de Noël, équivalente à un mois de salaire.
Le pays, déjà étranglé par un chômage record, qui frappe presque 25% des actifs, est cette fois soumis à une cure d'austérité qui touche tous les Espagnols, en particulier les classes moyennes, et ne laisse entrevoir aucune sortie de crise à court terme.
"On impose des coupes à ceux d'en-bas mais ils ne diminuent pas les salaires des conseillers municipaux et de leurs assistants", affirme un policier de 35 ans, prénommé Jesus, assurant qu'"avec le salaire d'un conseiller on pourrait payer quatre policiers".
Les pompiers sont venus nombreux, en uniforme, leur casque brillant dans la nuit. A leurs côtés, des professionnels de la santé, des enseignants, des policiers, leur tee-shirt noir marqué du mot "policia", qui avaient déjà expliqué qu'ils manifesteraient à titre individuel, même s'ils n'ont pas de droit de le faire en tant que profession.
"Non, ils ne nous représentent pas", hurle la foule, reprenant l'un des slogans favoris du mouvement des "indignés", qui avait lui manifesté vendredi contre le nouveau plan d'austérité.
A mesure que le cortège avance, la foule grossit, des fonctionnaires mais aussi des citoyens espagnols de tous horizons venus témoigner leur sympathie.
Et lorsqu'ils arrivent devant le barrage de policiers, à proximité du Parlement, les premiers manifestants du défilé, pompiers en tête, s'asseoient, levant les mains au ciel: "Ce sont nos armes", "Ils s'en mettent plein les poches, ohé, ohé", scande la foule, ou encore "Ce sont nos vacances", en allusion au mois de Noël perdu pour les fonctionnaires, soit 7% de leur salaire.
"Compagnon, retourne-toi", crient-ils en s'adressant aux policiers qui les observent calmement, certains les bras croisés.