PARIS (Reuters) - Le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, a salué mardi le démarrage de l'examen au Sénat du projet de loi sur l'immigration dont plusieurs dispositions, notamment l'article 3 relatif à la régularisation des sans-papiers dans les métiers en tension, divisent.
"Je constate que ça fonctionne bien au Sénat. Je vois mal comment la droite française peut voter contre un texte de fermeté et qui répondra à la demande des Français", a-t-il déclaré au micro de Sud Radio.
Sur BFM TV, le ministre de l'Economie Bruno Le Maire a estimé qu'"en étant raisonnables et constructifs, nous devons facilement pouvoir trouver un accord".
La chambre haute a entamé lundi l'examen de ce texte que le locataire de la place Beauvau veut "ferme mais pas fermé" sur les questions migratoires, dans un contexte tendu par la récente attaque au couteau d'Annecy (Haute-Savoie) et l'assassinat d'un professeur à Arras (Nord) impliquant des assaillants d'origine étrangère.
Le camp présidentiel a besoin des voix des Républicains (LR) pour faire passer ce projet de loi - le 30e sur ce sujet depuis 1980 -, et veut éviter d'utiliser l'article 49-3 de la Constitution qui permet d'adopter un texte sans vote.
Le président Emmanuel Macron a envoyé un signal au camp conservateur en se disant prêt à élargir le champ des référendums aux sujets de société, dont "la question migratoire", dans une lettre d'invitation à une nouvelle rencontre avec les patrons des partis politiques le 17 novembre.
Un référendum sur l'immigration est réclamé par LR mais aussi par le Rassemblement national de la double finaliste à l'élection présidentielle Marine Le Pen.
Parmi les points les plus discutés du projet de loi figure l'article 3 qui prévoit la délivrance d'une carte de séjour d'un an pour les personnes travaillant dans les secteurs en tension comme le bâtiment et l'hôtellerie-restauration.
"LIGNE ROUGE"
Une mesure de "bon sens" estime la Première ministre Elisabeth Borne. Un "appel d'air" inacceptable pour le président du groupe LR au Sénat, Bruno Retailleau, pour qui l'article 3 constitue une "ligne rouge". Un avis que ne partage pas Hervé Marseille, son homologue du groupe centriste dont les voix sont indispensables pour adopter un texte au palais du Luxembourg.
Selon des chiffres officiels, les demandes d'asile ont fortement augmenté en France en 2022 avec une hausse de 31,3% par rapport à l'année précédente.
Sur Sud Radio, Gérald Darmanin s'est montré ouvert à l'idée de réécrire l'article 3 pour trouver un compromis et favorable à l'amendement du Sénat sur un système de quotas qui permettrait au Parlement de fixer annuellement le nombre de titres de séjour délivrables.
Elaboré, selon la formule de Gérald Darmanin, pour être "méchant avec les méchants et gentil avec les gentils", le projet de loi entend faciliter l'expulsion des étrangers délinquants en situation irrégulière, tout en améliorant le sort des travailleurs immigrés.
"Ce que je vous demande c'est qu'on puisse dire oui ou non à quelqu'un mais vite", a résumé le ministre lundi dans son propos liminaire devant les sénateurs. "Nous proposons de diviser par trois le nombre de contentieux possibles".
"Expulsons le délinquant, régularisons la nounou", a-t-il renchéri mardi sur Sud Radio.
Le texte entend faciliter l'éloignement des étrangers ayant commis des actes criminels ou délictuels passibles d'au moins dix ans d'emprisonnement (cinq ans pour les récidivistes).
Est aussi envisagée le remplacement de l'aide médicale d'Etat (AME) par une aide d'urgence, une disposition qui divise jusqu'au sein de la majorité.
Au chapitre intégration, le projet de loi propose de conditionner la délivrance d'une carte de séjour pluriannuelle à la maîtrise d'un "niveau minimal de français", via un examen.
(Reportage Elizabeth Pineau, édité par Blandine Hénault)