par Nidal al-Mughrabi et Maytaal Angel
GAZA/JERUSALEM (Reuters) - Deux patients de l'hôpital Al Chifa, le plus grand de la bande de Gaza, sont morts à la suite de bombardements israéliens, a déclaré samedi le ministère palestinien de la Santé, tandis que l'armée israélienne a dit avoir tué un combattant du Hamas qui empêchait selon elle l'évacuation d'un autre hôpital.
Israël demande avec insistance l'évacuation de tous les patients, médecins ainsi que les milliers de civils qui ont refuge à l'intérieur ou aux abords des hôpitaux du nord de la bande de Gaza afin de pouvoir y mener des opérations militaires contre les centres de commandement du Hamas qui se trouvent, selon lui, dans leurs souterrains.
Le mouvement islamiste rejette ces accusations, tandis que les responsables hospitaliers soulignent qu'il est impossible de déplacer certains blessés, et que les réfugiés n'osent pas fuir en raison des combats.
"C'est une vraie zone de guerre, l'atmosphère à l'hôpital est absolument terrifiante", a déclaré à Reuters Ahmed al Mokhallalati, un chirurgien plastique de l'hôpital Al Chifa.
"Il y a des bombardements sans interruption depuis plus de 24 heures, ça ne s'arrête pas, ça vient des chars, de la rue, des frappes aériennes..."
Selon un porte-parole du ministère de la Santé, contrôlé par le Hamas, un bébé est mort dans une couveuse après une panne d'électricité et une autre personne a été tuée par un obus israélien alors qu'elle se trouvait en soins intensifs.
Ahmed al Mokhallalati a dit à Reuters que la plus grande partie du personnel de l'hôpital et des civils qui y avaient trouvé refuge étaient désormais partis vers le sud de la bande de Gaza, mais il a ajouté que l'établissement hébergeait encore 500 patients indéplaçables.
ISRAËL NIE TIRER SUR LES HÔPITAUX
L'armée israélienne a de son côté nié avoir mis la vie des patients en danger.
Elle a en revanche réitéré ses accusations visant le Hamas, qui empêcherait selon elle les civils de fuir les hôpitaux pour les utiliser comme boucliers humains, disant dans un communiqué avoir abattu un "terroriste" qui "retenait en otage environ 1.000 habitants de Gaza réfugiés à l'hôpital Rantissi et les empêchait d'aller se mettre en sécurité au Sud (de la bande de Gaza)".
"Les hôpitaux doivent être évacués pour nous permettre de faire face au Hamas", a répondu un porte-parole du ministère de la Défense à la question de savoir si l'armée prévoyait d'entrer dans les hôpitaux à un moment ou à un autre. "Nous avons l'intention de nous occuper du Hamas, qui a transformé les hôpitaux en positions fortifiées."
"Il y a des combats entre les soldats des IDF (Forces de défense israéliennes) et les terroristes du Hamas autour de l'hôpital. Il n'y a pas de tirs en direction de l'hôpital et celui-ci n'est pas assiégé", a assuré pour sa part le colonel Moshe Tetro, officier de liaison de l'organisme du ministère israélien de la Défense chargé de la gestion des affaires civiles à Gaza.
Moshe Tetro a dit être en contact permanent avec le directeur de l'hôpital Al Chifa et avoir proposé à ce dernier de se coordonner pour permettre l'évacuation en toute sécurité des dernières personnes qui s'y trouvent.
Le directeur, Mohamed Abou Selmeyah, a accusé vendredi Israël d'attaquer l'hôpital et de mettre ses patients en danger.
DES BÉBÉS EN DANGER ?
Le ministère palestinien de la Santé, qui est basé en Cisjordanie occupée par Israël - séparée de Gaza par Israël et dirigée par le Fatah, rival du Hamas - a déclaré séparément que 39 bébés étaient en danger au sein de l'hôpital.
La ministre Mai Alkaila avait d'abord déclaré qu'ils étaient morts parce qu'ils ne pouvaient pas recevoir d'oxygène ou de médicaments et que l'électricité était coupée, mais le ministère a ensuite corrigé l'information pour dire qu'un bébé était mort et que 39 autres étaient en danger.
"39 bébés prématurés du complexe médical Al Chifa sont menacés de mort à tout moment, et l'un d'entre eux est décédé ce matin. L'absence de carburant dans les hôpitaux sera une condamnation à mort pour les autres. Les couveuses ne pourront fonctionner que jusqu'à ce soir, après quoi il n'y aura plus de carburant."
Un porte-parole du ministère de la Santé de Gaza, Ashraf Al Qidra, a affirmé qu'il n'y avait pas d'électricité à l'hôpital, ni de réseau internet.
"Nous travaillons dur pour les maintenir en vie, mais nous craignons de les perdre dans les heures à venir", a-t-il déclaré. "Il n'y a plus du tout d'électricité dans l'hôpital."
Vendredi, les autorités de Gaza avaient déclaré que des missiles avaient atterri dans une cour d'Al Chifa, tuant une personne et en blessant d'autres. L'armée israélienne a déclaré par la suite qu'un engin lancé par des militants palestiniens à Gaza avait frappé l'établissement.
Le directeur général de l'Organisation mondiale de la santé, Tedros Adhanom Ghebreyesus, a déclaré que les professionnels de la santé avec lesquels le groupe était en contact à Al Chifa avaient été contraints de quitter l'hôpital pour se mettre à l'abri.
(Reportage de Nidal al-Mughrabi à Gaza et Maytaal Angel à Jérusalem ; avec Crispian Balmer, Ari Rabinovitch, Adam Makary et d'autres bureaux Reuters ; rédigé par Matt Spetalnick et Philippa Fletcher, version française Benjamin Mallet et Tangi Salaün)