L'agence Moody's a annoncé lundi qu'elle baissait d'un cran la note souveraine du Japon, nouvelle pierre dans le jardin du Premier ministre Shinzo Abe qui a convoqué des élections anticipées présentées comme un référendum sur ses orientations économiques.
Moody's a dégradé la note de Tokyo de "Aa3" à "A1" après l'entrée en récession du Japon au troisième trimestre sur fond de pressions déflationnistes et de baisse de la consommation et de la confiance des entreprises.
L'agence cite "une incertitude accrue quant à la capacité (du Japon) à atteindre ses objectifs de réduction de déficit budgétaire" et dit ses doutes sur l'opportunité du "calendrier et l'efficacité des mesures de relance de la croissance dans un contexte de pressions déflationnistes".
Moody's s'inquiète en particulier des risques induits à moyen terme pour "la rentabilité des bons" d'Etat que la Banque du Japon s'est engagée à racheter massivement pour relancer l'économie.
Depuis l'exercice 2008, les dégâts infligés à l'économie japonaise par la crise financière mondiale et la triple catastrophe du 11 mars 2011 ont fait baisser les recettes publiques.
Après des débuts prometteurs et des louanges dans le monde entier, les "Abenomics", en référence au Premier ministre Shinzo Abe, ont accumulé les revers récemment, l'archipel renouant avec la récession au troisième trimestre.
Le Premier ministre a provoqué des élections anticipées pour le 14 décembre et est revenu sur une loi votée en 2012 sur l'évolution de la taxe nippone sur la consommation.
Il a tranché pour l'ajournement à avril 2017 d'une deuxième augmentation de cette taxe initialement prévue en octobre 2015, constatant que la première depuis 17 ans, de 5% à 8%, intervenue en avril dernier, avait plombé la reprise amorcée un peu plus d'un an auparavant.
- 'Un message important' -
Ce choix "pourrait avoir des avantages", selon Moody's. Toutefois, "sans une croissance nominale du PIB plus robuste" qui renforcerait les recettes fiscales de l'Etat, le report de l'augmentation de la taxe "affaiblira nettement l'objectif du gouvernement de diviser par deux le déficit primaire (hors intérêts) d'ici 2015 par rapport au niveau de 2010".
Dans ce contexte, il apparaît "encore plus difficile (...) de remplir l'objectif à long terme de dégager un excédent du budget primaire d'ici 2020", note Moody's.
Les économistes arguent depuis des années que le Japon doit augmenter sa taxe à la consommation afin de réduire non énorme endettement, le plus élevé des économies avancées, avec un ratio dette/PIB de 245,1% prévu en 2014 selon le Fonds monétaire international (FMI).
Les "Abenomics" sont un cocktail de largesses budgétaires, souplesse monétaire et promesses de réformes structurelles destiné à dynamiser l'activité de la troisième économie mondiale. Mais ses effets se font attendre, les entreprises restent prudentes, la déflation se poursuit, la consommation recule, et l'économie se contracte (PIB -1,9% au deuxième trimestre, -0,4% au troisième).
Pour Yoko Takeda, économiste en chef du Mitsubishi Research Institute, la dégradation de la note japonaise par Moody's est un coup de semonce pour Tokyo.
Elle n'aura sans doute pas d'effet à court terme mais c'est "un message important" au Japon qui doit l'inciter à "mettre en place un plan de moyen et long termes pour apaiser les inquiétudes sur sa situation budgétaire", selon lui.
Moody's nuance cependant son évaluation de la conjoncture nippone en maintenant une "perspective stable" justifiée par "sa grande économie diversifiée" qui la préserve, malgré le poids de la dette, d'une exposition excessive à un risque de défaut.
Moody's avait déjà abaissé la note du Japon de "Aa2" à "Aa3" en août 2011.
L'agence concurrente Standard and Poor's (S&P) avait maintenu fin septembre sa note à "AA-", la quatrième meilleure possible attribuée par l'agence, sous perspective négative, laissant planer la menace d'un futur abaissement. La situation n'a pas changé à ce jour, a indiqué lundi un responsable de l'agence à Dow Jones Newswires.
Fitch l'avait pour sa part abaissée de deux crans en mai 2012, à "A+", ce qui correspond à la cinquième meilleure sur l'échelle à 22 échelons de l'agence.
Le yen a plongé à un plus bas depuis sept ans face au dollar après l'annonce de Moody's, à 119,12 yens pour un dollar, avant de se reprendre, à 118,39 yens peu avant 11H00 GMT.