PARIS (Reuters) - Une proposition de loi contre la haine sur internet sera déposée en mai, a annoncé mercredi Emmanuel Macron, qui a en outre déclaré que la France adopterait une nouvelle définition de l'antisémitisme, sans changer le code pénal ou empêcher la critique de la politique d'Israël.
La proposition de loi sera déposée par la députée La République en marche Laetitia Avia et reprendra les propositions de son rapport sur le sujet, a ajouté le chef de l'Etat lors d'un discours au dîner annuel du Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif).
"Ce texte portera des dispositions claires imposant les retraits dans les meilleurs délais de tous les contenus appelant à la haine, mettant en oeuvre toutes les techniques permettant de repérer l'identité dans les meilleurs délais et enfin appelant à la responsabilité, y compris sur le plan juridique, les plateformes", a dit Emmanuel Macron.
"Nous devons nous inspirer de ce que nos voisins allemands ont pu faire (...), apporter des sanctions judiciaires, pénales et pécuniaires, appeler la responsabilité des individus comme des plateformes", a-t-il ajouté.
Le secrétaire d'Etat au Numérique, Mounir Mahjoubi, a ensuite précisé sur BFMTV que le niveau d'amende n'était pas encore décidé mais qu'il serait "élevé" pour être "dissuasif".
Emmanuel Macron a souligné que l'Etat français avait commencé à travailler avec Facebook (NASDAQ:FB) et il a dénoncé l'attitude de Twitter (NYSE:TWTR), qui mettrait selon lui des jours pour supprimer des contenus haineux et des semaines voire des mois pour communiquer les coordonnées de leurs auteurs.
Dans le contexte de cette proposition de loi, "la question de l'anonymat sera évidemment posée", a-t-il dit, avant de sembler clore cette piste.
"Faut-il interdire partout sur internet l'anonymat? Je pense que nous pourrions aller par cette voie à quelques égards vers le pire et il faudra donc y réfléchir à deux fois", a-t-il ajouté.
NOUVELLE DÉFINITION DE L'ANTISÉMITISME
Emmanuel Macron a condamné les actes antisémites constatés ces dernières années et notamment dernières semaines, déplorant "une résurgence de l’antisémitisme sans doute inédite depuis la Seconde Guerre mondiale".
Il a une nouvelle fois déclaré que "l’antisionisme est une des formes modernes de l’antisémitisme" et confirmé que la France adopterait la définition de l’antisémitisme de l’Alliance internationale pour la mémoire de l'Holocauste (IHRA).
"Il ne s’agit pas de modifier le code pénal, encore moins d’empêcher ceux qui veulent critiquer la politique israélienne de le faire, non", a précisé le chef de l’Etat. "Il s’agit de préciser et raffermir les pratiques de nos forces de l’ordre, magistrats, enseignants, de leur permettre de mieux lutter contre ceux qui cachent derrière le rejet d’Israël, la négation même de l’existence d’Israël, la haine du juif."
En adoptant cette définition en 2016, l'IHRA avait ajouté qu'une critique de l'Etat d'Israël considéré comme "collectivité juive" pourrait être assimilée à une manifestation d'antisémitisme mais pas une critique qui pourrait être adressée dans les mêmes termes à n'importe quel autre Etat.
"A côté malheureusement de l'antisémitisme traditionnel se déploie un antisémitisme fondé sur un islamisme radical. Oui cette idéologie gangrène certains de nos quartiers", a encore déclaré Emmanuel Macron.
Il a promis la création d'équipes spécialisées d'enquêteurs et de gendarmes pour mieux accueillir les plaintes et annoncé la suspension prochaine de trois groupements néonazis.
"J'ai demandé au ministre de l'Intérieur d'engager des procédures visant à dissoudre des associations ou groupements qui par leur comportement nourrissent la haine, promeuvent la discrimination ou appellent à l'action violente: Bastion social, Blood and Honour Hexagone et Combat 18 pour commencer."
En matière d'éducation, il a annoncé la conduite d'un audit de tous les établissements touchés par la déscolarisation des enfants de confession juive.
Le chef de l’Etat s’exprimait au lendemain de mobilisations qui ont rassemblé des dizaines de milliers de personnes contre la recrudescence des faits antisémites.
Le nombre de ces faits a augmenté de 74% l'an dernier en France, après deux années de baisse, passant de 311 en 2017 à 541 en 2018, selon le ministère de l'Intérieur.
(Jean-Baptiste Vey, avec Julie Carriat, édité par Wilfrid Exbrayat)