LONDRES (Reuters) - La trentaine de lettres écrites par le prince Charles à des ministres du gouvernement travailliste de Tony Blair en 2004-2005, publiées mercredi, témoignent de son souci pour les soldats britanniques déployés en Irak mais aussi pour le sort des albatros et de la légine australe, ou poisson à dents de Patagonie.
Les gouvernements britanniques successifs, travailliste puis conservateur, ont tenté de bloquer cette correspondance archivée dans les ministères et susceptible de jeter le doute sur l'héritier de la couronne, la règle non écrite voulant que les membres de la famille royale britannique s'abstiennent de tout commentaire politique.
Mais après dix années de procédure, la justice a finalement déclaré que ces 27 lettres archivées ne pouvaient faire l'objet d'un veto, donnant raison au Guardian qui réclamait un droit d'accès.
Dans une de ces lettres, adressée à Tony Blair en 2004, en pleine intervention militaire en Irak, Charles s'inquiète des retards dans la livraison de nouveaux hélicoptères militaires. "J'ai peur, écrit-il, qu'il s'agisse là d'un nouvel exemple de ce que nos forces armées sont amenées à faire dans une mission extrêmement difficile (particulièrement en Irak) sans les ressources adéquates."
Dans d'autres missives, l'héritier réclame que les blaireaux soient abattus - une question très controversée en Grande-Bretagne où ces mustélidés sont accusés de répandre la tuberculose bovine au bétail - ou que les règles bureaucratiques imposées aux agriculteurs soient allégées.
Il s'enquiert aussi des initiatives que le ministère de l'Agriculture pourrait entreprendre pour lutter contre les pratiques de pêche extensive.
"J'espère en particulier que la pêche illégale du poisson à dents de Patagonie figure en bonne place sur la liste des priorités", écrit-il au ministre de l'Agriculture, Elliot Morley. Il redoute en effet que la disparition de ce poisson ne nuise à l'un de ses prédateurs, "ce pauvre albatros pour lequel, annonce-t-il, je continuerai à mener campagne".
Les services du prince de Galles, qui avaient regretté que le "principe d'intimité" n'ait pas prévalu lorsque la Cour suprême a autorisé en mars la publication de ces lettres, ont souligné dans un communiqué que la correspondance démontrait que l'héritier de la couronne "se soucie profondément de son pays" et qu'"il essaie de se servir de sa position unique pour aider autrui".
D'autres en revanche se sont émus de ce qu'ils considèrent comme une ingérence dans la conduite des affaires publiques. "Notre position est très simple: si Charles veut s'impliquer en politique, qu'il se présente à une élection", a réagi le groupe Republic qui milite pour l'abolition de la monarchie.
(Michael Holden et Stephen Addison; Henri-Pierre André pour le service français)