PARIS (Reuters) - François Hollande a pris acte vendredi du choix des Britanniques de sortir de l'Union européenne, qui met "l'Europe à l'épreuve" et appelle selon lui des changements profonds sous peine de voir "la dilution et le repli" l'emporter.
Le président français a exprimé sa volonté, partagée selon Paris par les autres Européens, que la sortie du Royaume-Uni de l'Union s'engage rapidement, pour apporter de la clarté.
Le Premier ministre britannique, David Cameron, a annoncé qu'il laisserait le soin à son successeur, à désigner en octobre, d'invoquer l'article 50 qui déclenchera jusqu'à deux ans de négociations sur la sortie de son pays de l'UE.
Quant à Boris Johnson, son possible successeur qui a fait campagne pour le Brexit, il a jugé qu'"il n'y actuellement nul besoin de se hâter (...). Il n'y a aucune raison de se précipiter à invoquer l'article 50".
François Hollande et Manuel Valls ont souhaité vendredi que "l'application des règles pour la sortie se fasse dans les délais les plus courts", lors d'un conseil des ministres extraordinaire, a dit le porte-parole du gouvernement.
"Il faut que les choses soient claires", a souligné le président français, a ajouté Stéphane Le Foll.
Avec le vote du Royaume-Uni, "c'est l'Histoire qui frappe à notre porte", avait auparavant déclaré François Hollande, esquissant un programme pour provoquer le "sursaut" d'une Europe qui, "pour aller de l'avant, ne peut plus faire comme avant".
Au chapitre des initiatives à prendre, il a cité les domaines suivants : sécurité, défense, protection des frontières, investissement pour la croissance et l'emploi, politiques industrielles, harmonisation fiscale et sociale, ainsi que renforcement de la zone euro et de sa gouvernance.
"NE PAS SE PERDRE EN PROCÉDURES"
Pour être sur la même ligne que l'Allemagne et l'Italie, sur la sortie du Royaume-Uni et les nouvelles propositions pour l'Europe, François Hollande dînera avec le président du conseil italien, Matteo Renzi, samedi à Paris, avant que les trois dirigeants se retrouvent lundi à Berlin.
Le Conseil européen mardi et mercredi à Bruxelles sera selon lui la première étape de la reconquête de la confiance des concitoyens dans l'Union, dont la France est un pays fondateur.
Il mènera par ailleurs samedi une série de consultations des partis politiques français et verra le président du Conseil européen, Donald Tusk, lundi matin à Paris.
La France a toujours dit avant le Brexit que Paris et Berlin auraient une position commune mais Angela Merkel s'est montrée très prudente vendredi, estimant qu'il fallait "analyser la situation calmement et ne pas prendre de décisions précipitées".
Face aux "dangers immenses" des "extrémismes et des populismes", François Hollande a appelé de ses voeux une Europe qui revient à l'essentiel.
"L'Europe (..) doit porter des projets et non pas se perdre en procédures. Elle doit être comprise et contrôlée par les citoyens", a-t-il dit. "Elle doit décider vite là où on l'attend et laisser aux Etats nations ce qui relève de leur seule compétence."
Dans un message parallèle, le Premier ministre s'est lui aussi adressé aux eurosceptiques. "L’Europe ne doit plus intervenir partout, tout le temps, elle doit agir là où elle est efficace", a dit Manuel Valls.
URGENCE
A Luxembourg, où il participait à une réunion avec ses collègues de l'UE, Jean-Marc Ayrault, qui rencontrera samedi à Berlin ses homologues des autres pays fondateurs de la CEE (Italie, Belgique, Pays-Bas, Allemagne et Luxembourg) a dit l'urgence d'agir.
"Non, ce n'est pas le chaos (mais) il y a urgence. Il n’y a pas de temps à perdre. Toute période d’incertitude serait préjudiciable."
Dans sa déclaration au ton solennel, François Hollande a rappelé les enjeux, au regard d'une "Histoire" convoquée à plusieurs reprise dans son intervention de cinq minutes.
"Ce qui se joue, c'est la dilution de l'Europe au risque du repli ou la réaffirmation de son existence au prix de changements profonds", a-t-il dit. "Je ferai tout pour que ce soit le changement profond plutôt que le repli."
"Puisque l'Histoire est là, soyons à la hauteur de la circonstance que nous traversons."
La France a pris acte des quelques mois qu'il faudra attendre avant l'invocation de l'article 50 par le Royaume-Uni "mais le souhait de l'ensemble des autres Européens et des institutions c'est que, dès lors que le nouveau Premier ministre sera en fonction, il notifie rapidement", explique-t-on à Paris.
"Il n'est pas possible de repousser cette notification pour des raisons tactiques", en différant le déclenchement du délai de deux ans de conclusion des négociations avec l'objectif d'obtenir davantage de l'Union européenne, a-t-on ajouté.
(Jean-Baptiste Vey et Elizabeth Pineau, édité par Yves Clarisse)