par Balazs Koranyi et Francesco Canepa
FRANCFORT (Reuters) - La Banque centrale européenne (BCE) n'a modifié qu'à la marge jeudi les moyens mis en oeuvre face à la crise sans précédent déclenchée par la pandémie de coronavirus en réaffirmant compter sur son programme massif d'achats de titres mais elle n'a pas exclu de nouvelles mesures qui pourraient inclure l'achat de titres à haut risque.
Quelques semaines après le lancement du plus important programme d'intervention de son histoire, la BCE a redit qu'elle prévoyait d'acheter pour 1.100 milliards d'euros d'actifs sur les marchés cette année et qu'elle était prête à faire davantage.
Sa présidente, Christine Lagarde, a déclaré que l'impact de la pandémie était "sans précédent" et que l'ampleur et le rythme de la future reprise restaient "hautement incertains".
Seule initiative nouvelle annoncée jeudi: l'institution de Francfort va abaisser les taux d'intérêt, déjà négatifs, de ses opérations de fourniture de liquidités à long terme aux banques et lancer un nouveau programme de prêts, les "opérations de refinancement à long terme d'urgence pandémique" ou PELTRO.
En revanche, le Programme d'achats d'urgence pandémique (PEPP) reste inchangé alors que certains observateurs n'excluaient pas qu'il soit renforcé.
"Le Conseil des gouverneurs est entièrement préparé à accroître la taille du programme PEPP et à en ajuster la composition, autant que nécessaire et aussi longtemps que cela sera requis", assure la BCE.
"Il reste, en toute hypothèse, prêt à ajuster l’ensemble de ses instruments, de façon adéquate, pour assurer le rapprochement durable de l'inflation par rapport à son objectif, conformément à son engagement en faveur de la symétrie."
Alors que la majeure partie des Européens restent soumis à des mesures de confinement, Christine Lagarde a souligné que les équipes de la BCE s'attendaient à une contraction de 5% à 12% du produit intérieur brut (PIB) de la zone euro cette année.
DÉCEPTION SUR LES MARCHÉS
Les marchés financiers ont exprimé une certaine déception à l'annonce des décisions de la banque centrale: l'indice Stoxx des banques de la zone euro a perdu jusqu'à plus de 6%, les rendements des emprunts d'Etat italiens, très volatils depuis plusieurs semaines, ont commencé à remonter et l'euro a cédé du terrain sur le marché des changes.
Les statistiques économiques publiées en début de journée ont en effet fourni de nouveaux arguments aux partisans d'efforts supplémentaires de soutien monétaire: le PIB de la zone euro affiche une contraction record de 3,8% sur les trois premiers mois de l'année, plus forte encore qu'attendu, alors que la période concernée n'inclut qu'à peine plus de deux semaines de confinement.
Et l'inflation a ralenti à 0,4% sur un an, s'éloignant un peu plus de l'objectif de la BCE d'un taux légèrement inférieur à 2%. Elle devrait passer en territoire négatif dans les mois à venir en raison de l'effondrement des cours du pétrole.
LE SUJET DES "JUNK BONDS" PAS ABORDÉ, DIT LAGARDE
La conférence de presse de Christine Lagarde était aussi très attendue par tous ceux qui craignent une dislocation de la zone euro et souhaitaient savoir si le Conseil des gouverneurs avait débattu de la possibilité d'augmenter les achats d'actifs ou de les élargir à des "anges déchus", ces obligations dont la note a été dégradée depuis le début de la crise et qui ont donc perdu leur éligibilité aux programmes d'achats de la BCE.
Cette interrogation concerne en premier lieu la dette d'Etat italienne, dégradée mardi par Fitch et menacée de tomber en catégorie spéculative ("junk"), ce qui priverait Rome du soutien de la banque centrale au moment même où celui-ci lui est indispensable.
Abandonner l'Italie à son sort serait toutefois politiquement indéfendable et la BCE a déjà commencé à préparer le terrain à un soutien accru, d'abord en achetant à titre temporaire des emprunts grecs puis en autorisant les banques à lui apporter des titres récemment dégradés comme garantie.
Christine Lagarde a déclaré jeudi que le sujet des "junk bonds" n'avait pas été abordé par le Conseil mais elle a souligné la flexibilité des instruments dont dispose la BCE et sa volonté à les déployer "en totalité".
"Nous ne tolérerons aucun risque de fragmentation", a-t-elle affirmé. "Nous voulons assurer que le crédit afflue dans l'économie, que notre politique monétaire et sa transmission soient efficaces et nous ferons cela dans tout pays qui aura besoin de bénéficier de notre détermination."
(Version française Marc Angrand, édité par Jean-Michel Bélot et Jean-Stéphane Brosse)