Bruxelles est passé mercredi à l'offensive contre les banquiers, avocats et consultants, qui incitent leurs clients fortunés à l'évasion fiscale, comme l'illustrent de récents scandales impliquant des mégastars du foot.
Concrètement, la Commission européenne veut obliger ces experts, ou éventuellement leurs clients, à déclarer au fisc de leur pays les mécanismes d'optimisation - parfois transfrontaliers - qu'ils ont concoctés.
L'obligation de déclarer un tel dispositif ne signifie pas nécessairement qu'il est dommageable, mais seulement qu'il mérite d'être examiné par les autorités fiscales, précise l'exécutif européen.
"Aujourd'hui, nous proposons de mettre devant leurs responsabilités les intermédiaires qui créent et vendent des dispositifs d'évasion fiscale. Au bout du compte, les recettes fiscales des Etats membres s'en trouveront accrues", a commenté le vice-président de la Commission européenne pour l'euro, Valdis Dombrovskis.
"Notre proposition fournira une plus grande sécurité aux intermédiaires qui respectent l'esprit et la lettre de notre législation et rendra la vie très difficile à ceux qui ne le font pas", a expliqué de son côté le commissaire européen pour les Affaires économiques et financières, Pierre Moscovici.
Avant d'entrer en vigueur, ce projet de directive de la Commission européenne doit encore être approuvé et éventuellement amendé par les 28 Etats membres de l'UE et le Parlement européen.
- Ronaldo et Mourhino -
Comme pour toutes les questions fiscales, l'unanimité des 28 est nécessaire. Dans ce cas précis, elle ne devrait toutefois pas être trop difficile à atteindre, estiment des sources proches de l'exécutif européen.
En effet, le Royaume-Uni a déjà mis en place un tel système en 2004, ce qui lui aurait permis d'empêcher une fraude fiscale d'un montant évalué à 12 milliards de livres (13,6 mds EUR).
La France et l'Allemagne y sont en tout cas favorables, selon ces mêmes sources. De plus, cette initiative tombe à point nommé, au moment où l'Espagne est secouée par une vague de scandales mêlant différentes vedettes du ballon rond.
L'attaquant-vedette du Real Madrid Cristiano Ronaldo, soupçonné d'une fraude fiscale présumée de 14,7 millions d'euros, a ainsi été convoqué le 31 juillet par la justice espagnole en vue d'une mise en examen. Il aurait "profité d'une structure créée en 2010 pour dissimuler au fisc des revenus générés en Espagne par les droits à l'image" entre 2011 et 2014.
Par ailleurs, José Mourinho, l'entraîneur portugais de Manchester United, passé par le Real (2010-2013), est également visé par une plainte du parquet de Madrid pour une fraude fiscale présumée de 3,3 millions d'euros.
Tous deux sont clients du super-agent du foot, le Portugais Jorge Mendes, sous les feux des projecteurs après une enquête réalisée fin 2016 par plusieurs médias européens, dénonçant les rouages du système de dissimulation fiscale qu'il a mis en place via un réseau de sociétés écran et de comptes offshore aux Iles vierges Britanniques, au Panama et en Suisse.
Dans ses propositions de mercredi, l'exécutif européen laisse le soin aux Etats de définir eux-mêmes les sanctions qu'ils appliqueront en cas de dissimulation de ces mécanismes d'optimisation aux autorités fiscales. Il précise seulement que ces dernières doivent être "effectives, dissuasives et proportionnées".
Se félicitant de cette proposition, l'eurodéputée écologiste française Eva Joly a "exhorté les Etats à soutenir cette directive importante", qui aurait pu, selon elle, "être encore plus ambitieuse si elle avait par exemple prévu d'obliger les experts comptables à signaler les arrangements fiscaux suspects découverts au moment d'approuver les comptes de leurs clients".
Les propositions de la Commission s'inscrivent dans une croisade beaucoup plus vaste qu'elle a lancée contre la fraude fiscale.
L'an dernier, l'exécutif européen avait déjà sifflé la fin de l'optimisation fiscale des multinationales, avec notamment une première directive stipulant l'échange automatique d'informations entre administrations fiscales des pays de l'UE sur les activités des grandes firmes, et une seconde stipulant de taxer les profits dans le pays où ils sont générés.