PARIS (Reuters) - Le commandant des opérations spéciales françaises a pour la première fois démenti publiquement jeudi un programme d'"exécutions ciblées" contre les djihadistes français qui combattent dans les rangs de l'Etat islamique à Mossoul, comme l'avançait le Wall Street Journal en mai.
Selon le quotidien américain, les forces spéciales françaises auraient fourni au contre-terrorisme irakien une liste de 27 noms de ressortissants français, accompagnée de photos pour cinq d'entre eux, afin d'empêcher leur retour en France pour y commettre des attentats.
A l'époque, l'état-major des armées françaises s'était refusé à tout commentaire sur l'existence d'une telle liste, soulignant que la mission des forces spéciales à Mossoul, fief du groupe Etat islamique (EI) en Irak, était de "conseiller et d'appuyer les troupes irakiennes", dans le cadre de la coalition arabo-occidentale.
"Nous on ne fait pas de ciblage, ça n'a pas de sens", a affirmé jeudi lors d'un point de presse le vice-amiral Laurent Isnard, commandant des COS.
"Ce sont des combattants que l'on a en face de nous. On est dans de petites ruelles, de petits quartiers, on est en train d'attaquer la médina. Vous n'imaginez pas qu'on va choisir : 'moi je vais taper dans la deuxième rue, la troisième à gauche, sur telle personne'", a-t-il poursuivi.
"On est sur une ligne de confrontation, on est en train de traiter les gens qui sont devant. Comment vous pouvez savoir avant? Les gens ne restent pas exposés avec une bio à côté d'eux", a insisté l'officier.
Il a souligné que les opérations spéciales françaises en Irak, certes "confidentielles", n'étaient pas des "missions secrètes" et s'inscrivaient dans le droit de la guerre.
COMBATS "PIÈCE PAR PIÈCE" À MOSSOUL
"Le but, c'est de pouvoir reprendre des rues, des quartiers, des maisons", a-t-il expliqué à propos de la bataille de la Vieille ville de Mossoul, qui fait rage actuellement. "Là, on en est quand même à discuter des maisons, donc on ne va pas se dire 'on va taper sur telle personne à tel endroit'."
Le chef des COS a confirmé un partage de renseignement avec les Irakiens, mais "pour savoir comment est organisé l'ennemi."
Le porte-parole du gouvernement avait déclaré fin mai que les Français partis combattre dans la zone irako-syrienne au côté de Daech (acronyme arabe de l'EI) devaient "assumer les risques" d'une telle décision.
La question des exécutions extrajudiciaires - "homo" pour "homicides" - a été rouverte en France par des confidences de François Hollande dans le livre "Un président ne devrait pas dire ça", paru en octobre 2016, dans lequel il revendiquait des éliminations ciblées, hors du cadre légal des conflits armés, contre au moins quatre djihadistes présumés à l'étranger.
"Lorsque l'Etat irakien aura repris son territoire, à ce moment-là, nous on se désengagera", a déclaré le vice-amiral Laurent Isnard, tout en précisant que l'armée française pourrait poursuivre des missions de formation.
Selon le porte-parole de l'état-major des armées, l'étau se resserre sur les combattants de l'EI dans la médina de Mossoul.
"Daech maintient une défense acharnée et profite de toutes les opportunités de la zone urbaine - des ruelles étroites où les combats se mènent de maison en maison, de pièce en pièce - pour mener des actions de piégeage et de harcèlement", a dit le colonel Patrick Steiger.
Les combats se poursuivaient également au nord de la médina, où "le complexe hospitalier, dernier bastion des djihadistes en dehors de la Vieille ville, fait toujours l'objet d'âpres combats".
(Sophie Louet, édité par Yves Clarisse)