par Leigh Thomas, Gwénaëlle Barzic et Michel Rose
AIX-EN-PROVENCE (Reuters) - Les efforts du nouveau gouvernement pour rendre la France plus accueillante vis-à-vis de la finance améliorent ses chances d'attirer des banques quittant Londres en raison du Brexit, expliquent des responsables du secteur.
Soucieux de ne pas laisser Francfort aspirer tous les emplois issus de la capitale britannique, le Premier ministre Edouard Philippe a dévoilé vendredi un ensemble de mesure destinées à améliorer l'attractivité de la place de Paris.
Plusieurs dirigeants d'établissements financiers réunis ce week-end aux Rencontres économiques d'Aix-en-Provence disent avoir observé un changement soudain d'attitude vis-à-vis de leur secteur dans la foulée de l'élection d'Emmanuel Macron, un ancien banquier d'affaires, le 7 mai.
"Il y a clairement de la part du gouvernement une volonté de faire une France 'finance friendly'", estime Jean-Frédéric de Leusse, responsable des opérations en France d'UBS, en soulignant le contraste avec le prédécesseur d'Emmanuel Macron, François Hollande, qui avait présenté la finance comme son ennemie.
Le Premier ministre s'est engagé notamment à réduire le coût du travail en supprimant la tranche à 20% de la taxe sur les salaires, celui des licenciements en excluant les primes et bonus des "preneurs de risques" du calcul des indemnités et celui des transactions avec l'annulation de l'extension de la taxe sur les transactions financières aux opérations intraday.
Pour Nicolas Moreau, responsable de Deutsche Asset Management, les mesures annoncées par Edouard Philippe vont dans la bonne direction mais elles arrivent bien tard, alors que plusieurs capitales ont lancé depuis fort longtemps des opérations séduction auprès des banques établies à Londres.
"Aujourd’hui, Francfort est très en avance. Il y a déjà beaucoup de décisions qui sont prises", souligne-t-il.
Même si, historiquement, UBS a noué des liens étroits avec Francfort, Jean-Frédéric de Leusse estime que rien n'est joué en la matière.
"Aujourd'hui, je ne sais pas dire aux dirigeants d'UBS ce qui va changer en France et si ça va vraiment changer", a-t-il toutefois observé lors d'une interview accordée à Reuters.
RATTRAPER LE RETARD
Rompre avec l'image d'un pays à la fiscalité écrasante et doté d'un code du travail excessivement rigide ne sera toutefois pas une mince affaire.
"Le principal blocage est d’ordre psychologique, ça veut dire qu’il faut absolument que nos partenaires soient convaincus que la France est sérieuse dans sa volonté de développement économique et sa volonté d’attirer les services financiers", a déclaré à Reuters Eric Lombard, responsable de Generali (MI:GASI) France.
Paris est non seulement en concurrence avec Francfort mais également avec des places plus modestes comme Amsterdam, Dublin et Luxembourg.
Alors que Francfort peut se targuer d'accueillir le siège de la Banque centrale européenne, Amsterdam et Dublin font valoir que leur culture des affaires est similaire à celle de Londres, Luxembourg étant pour sa part déjà une place importante pour les métiers de la gestion d'actifs.
Reste que seules Paris et sa région sont d'une taille similaire à Londres et proposent un écosystème aussi riche, avec les plus grandes banques européennes, des assureurs et gérants importants et de grandes entreprises clientes.
"Je pense qu’on est entré dans un moment où la compétition entre les différentes places européennes se fait désormais sur des choses très fondamentales qui ont assez peu à voir avec la fiscalité", a déclaré à Reuters Stéphane Boujnah, président du directoire d’Euronext.
Jusqu'à présent, la banque HSBC est la seule grande institution à avoir annoncé son intention de déplacer une part importante de son personnel de Londres, quelque 1.000 salariés, à Paris.
Christian Noyer, ancien gouverneur de la Banque de France, chargé désormais de convaincre les investisseurs étrangers de s'installer à Paris, estime que ce n'est pas parce qu'un établissement va prendre un licence bancaire à Francfort qu'il va nécessairement y installer ses salariés.
"J'en connais qui disent : 'Je crée ma base à Francfort mais je mets toutes mes salles de marché à Paris dans une succursale. Je crée quelque emplois à Francfort mais le gros c’est à Paris", déclare-t-il à Reuters.
Il souligne que beaucoup d'investisseurs ont attendu de connaître le résultat des élections françaises avant de faire part de leur décision, ce qui est selon lui déjà une victoire pour Paris.
"On peut même considérer que ce qui aura été aberrant, c'est la concentration actuelle, l'hypercentralisation à Londres du fait de l'arrivée de l'euro et du marché unique", observe Ross McInnes, président du conseil d’administration de Safran (PA:SAF), chargé de promouvoir l'attractivité de la place de Paris.
"Ce phénomène, on peut considérer qu'il est à certains égards atypique, une parenthèse."
(Avec la contribution de Jean-Michel Bélot pour la version française)