par Elizabeth Pineau
PARIS (Reuters) - La droite républicaine devrait préserver sa majorité au Sénat au sortir des élections de dimanche, pour lesquelles La République en marche (LREM) nourrit des espoirs limités en raison d'une actualité et d'un mode de scrutin défavorables pour la formation d'Emmanuel Macron, qui tient fermement l'Assemblée nationale.
Quatre mois après l'élection présidentielle, l'enjeu pour le parti au pouvoir reste de nouer suffisamment d'alliances avec des centristes, républicains, socialistes et autres radicaux "pour obtenir une majorité relative au Sénat et faire passer les grandes réformes" constitutionnelles, dit un élu LREM.
Une majorité des trois cinquièmes au Parlement (Assemblée nationale et Sénat) permettrait à Emmanuel Macron de faire voter sa grande réforme institutionnelle prévoyant notamment la baisse d'un tiers du nombre de parlementaires.
Le résultat de dimanche et les négociations qui suivront sur la constitution de groupes s'observeront donc à l'élu près.
Selon le dernier décompte du ministère de l'Intérieur, 1.996 candidats - un record - sont en lice pour 171 sièges remis en jeu sur un total de 348. En France, les sièges de sénateurs sont renouvelés par moitié tous les trois ans par un collège de grands électeurs, au nombre de 76.359 cette année, dont une écrasante majorité d'élus municipaux.
"C'est en quelque sorte le troisième tour des municipales. LREM part d'une page blanche dans la mesure où nous n'avons aucun élu parmi les grands électeurs", explique l'un des 29 membres du groupe LREM au Sénat créé au printemps dernier sous la houlette de l'ex-socialiste François Patriat.
Face à la victoire annoncée de la droite, Philippe Gosselin, député LR de la Manche, juge pour sa part "sain qu'une des chambres puisse faire entendre une autre voix et que la navette parlementaire soit la traduction de cette diversité".
Le vote indirect favorise en effet un traditionnel clivage droite-gauche que La République en marche, née il y a 18 mois, entend bouleverser même si sa majorité absolue à l'Assemblée, qui a le dernier mot, lui permet de procéder à la plupart des réformes en cas de désaccord avec le Sénat.
ALLIANCES
En pleine rentrée sociale, ce scrutin aura aussi valeur de test pour l'exécutif avant une longue période sans vote, jusqu'aux élections européennes de mai 2019.
Si certains élus pourraient être tentés par le renouvellement incarné par l'Elysée, d'autres sont refroidis par les récentes décisions gouvernementales, comme la baisse des subventions aux collectivités locales, la suppression partielle de la taxe d'habitation et la réduction des emplois aidés.
Largement majoritaire à l'Assemblée nationale, LREM espère, au Sénat, passer au mieux de la place de quatrième force politique à la deuxième, derrière les Républicains.
S'il ne pense guère faire élire plus de 40 à 50 sénateurs en son nom, le parti présidentiel compte ensuite s'allier avec des élus favorables à la politique d'Emmanuel Macron - sachant que 180 sénateurs sont nécessaires pour atteindre la majorité des trois cinquièmes au Parlement.
A l'image du groupe Les Constructifs créé à l'Assemblée nationale, qui réunit 35 députés Les Républicains (LR) et Union des démocrates et indépendants (UDI), des sénateurs de droite s'apprêtent à créer un groupe du même type sous la houlette de la sénatrice du Bas-Rhin, Fabienne Keller.
Au Sénat, 10 élus suffisent pour constituer un groupe parlementaire, contre 15 à l'Assemblée nationale.
Active au Palais-Bourbon, où son groupe compte 17 membres, La France insoumise de Jean-Luc Mélenchon a fait l'impasse sur les sénatoriales, où elle ne présente aucun candidat.
LES COMMUNISTES JOUENT GROS
Le Parti communiste français (PCF) joue gros en revanche, puisque 16 de ses 18 sièges de sénateurs sont remis en jeu.
Cette élection "risque d'être plus favorable à la droite qu'aux forces de gauche mais nous sommes confiants dans le fait que nous allons garder un groupe au Sénat", déclarait ce week-end Pierre Laurent, secrétaire national du PCF et candidat à sa réélection à Paris.
De nouveau en lice dans les Yvelines, le président du Sénat sortant, le Républicain Gérard Larcher, est pour l'heure le seul candidat déclaré à sa succession pour un troisième mandat.
"Il sera réélu sans problème, même les constructifs voteront pour lui", prédit un sénateur LREM.
A l'heure où nombre de voix s'interrogent sur l'utilité du Sénat - que La France insoumise souhaite carrément supprimer -, Gérard Larcher se pose en défenseur du bicamérisme garant de "l'équilibre des territoires et des pouvoirs".
"Depuis la réforme du quinquennat, les planètes sont alignées derrière l'élection présidentielle, et la seule planète qui n'est pas alignée, c'est le Sénat", expliquait-il la semaine dernière sur France Inter. "Il y a un balancier stabilisateur, c'est le Sénat, et il y a une assemblée qui exprime les pulsions des citoyens, c'est l'Assemblée nationale".
Deux membres du gouvernement sont candidats dimanche.
Dans le Nord, le ministre de l'Action et des comptes publics, Gérald Darmanin, est en position non éligible sur la liste LREM emmenée par Frédéric Marchand. La MoDem Jacqueline Gourault (Intérieur) est quant à elle candidate à sa propre succession dans le Loir-et-Cher.
(Avec Emile Picy, édité par Yves Clarisse)