PARIS (Reuters) - Les mesures du budget 2018 devraient en moyenne exercer un effet presque neutre sur le pouvoir d'achat global des ménages cette année avant de l'augmenter en 2019, mais devraient davantage profiter aux plus aisés, selon une étude de l'OFCE publiée lundi.
Cette étude, intitulée "Budget 2018 : pas d'austérité mais des inégalités", risque d'alimenter le débat entre le gouvernement, qui met en avant les gains de pouvoir d'achat et les réformes destinées à réorienter l'épargne vers l'économie réelle, et l'opposition de gauche, qui a régulièrement dénoncé des mesures qu'elle juge favorables aux plus riches.
"La classe moyenne qui travaille sera la première bénéficiaire de cette politique fiscale, parce qu'elle verra sur sa feuille de paie ses salaires augmenter dès la fin du mois", a déclaré le ministre de l'Economie et des Finances Bruno Le Maire lundi lors de la présentation de ses voeux aux forces économiques et à la presse.
Les économistes de l'Observatoire français des conjonctures économiques, le centre de recherches lié à Sciences Po Paris, chiffrent à 0,2 milliard d'euros en moyenne cette année les effets sur le pouvoir d'achat des ménages des mesures fiscales et des revalorisations de prestations sociales prévues.
Cette moyenne annuelle recouvre des évolutions trimestrielles très variables, avec des effets pénalisants en début d'année et une accélération des gains à la fin 2018.
En cause, le calendrier de mise en place des mesures, avec des hausses de la fiscalité en vigueur dès le début d'année (CSG, tabac, carburants) et des baisses dont les effets se feront sentir plus tardivement (taxe d'habitation, réforme de l'ISF, élargissement du crédit d'impôt pour l'emploi à domicile mis en place par la précédente majorité), sauf dans le cas du prélèvement forfaitaire unique (PFU).
"DÉFICIT DE REDISTRIBUTION"
Les revalorisations de prestations sociales plutôt concentrées en fin d'année (allocation adulte handicapé, minimum vieillesse, prime d'activité) et la baisse en deux temps (janvier et octobre) des cotisations sociales des salariés contribuent également à cette dynamique.
Pour 2019, malgré la poursuite de la hausse de la fiscalité écologique et des prix du tabac, l'OFCE estime à six milliards d'euros la hausse du pouvoir d'achat des ménages, sous l'effet de la montée en charge de certaines mesures fiscales (taxe d'habitation, PFU) et des nouvelles revalorisations de certaines prestations sociales.
Au-delà de ces chiffres globaux, les économistes de l'OFCE soulignent un "déficit de redistribution", avec un accroissement des inégalités en 2018 par rapport à 2017 et un "rééquilibrage partiel" en 2019.
Même si cette année le niveau de vie d'une majorité de ménages, en moyenne, ne devrait selon eux être impacté qu'"à la marge", avec notamment un impact nul pour les classes moyennes, les principaux bénéficiaires des mesures nouvelles seront les "2% de ménages du haut de la distribution des revenus, détenant l'essentiel du capital mobilier".
D'après leurs calculs, en 2018, les 5% de ménages les plus modestes devraient en moyenne voir leur niveau de vie être amputé de 0,6% en 2018 (soit 60 euros par an et par ménage) alors que les 5% de ménages les plus aisés verraient le leur progresser de 1,6% (soit 1.730 euros).
DES EFFETS À RELATIVISER
Les auteurs notent également que les effets des nouvelles mesures seront différenciés selon les ménages : les fumeurs, les propriétaires de véhicules diesel ou les ménages se chauffant au fioul par exemple seront bien plus impactés que ces résultats moyens.
Pour autant, soulignent-ils, après la montée en charge progressive en 2018 de différents dispositifs, l'analyse en année pleine "permet de relativiser quelque peu les résultats anti-redistributifs".
En année pleine, l'abattement de 30% de la taxe d'habitation pour 80% des ménages, les revalorisations de la prime d'activité, du minimum vieillesse et de l'allocation adulte handicapé, associées à la neutralité budgétaire de la bascule cotisations-CSG "joueraient pleinement leur rôle : redonner du pouvoir d'achat aux classes modestes et moyennes", notent-ils.
Avec cette analyse, la quasi-totalité des ménages devraient gagner en niveau de vie, même si la progression pour les 5% de ménages les plus modestes (+0,5%) restera nettement plus faible que celle dont bénéficieront les 5% de ménages les plus aisés (+1,9%).
De la même façon, d'après leurs estimations fondées sur les indications du budget 2018, l'an prochain les 5% de ménages les plus riches devraient rester les principaux bénéficiaires des réformes, avec un niveau de vie accru de 2,2% par rapport à 2017(contre +0,2% pour les 5% de ménages les plus pauvres).
Au total, "les 2% les plus riches capteraient 42% des gains à attendre de la mise en place des mesures", notent les auteurs.
Ils préviennent également que les réductions des dépenses publiques nécessaires pour compléter le financement de certaines mesures sans creuser le déficit public pourraient affecter les ménages et accentuer le déficit de redistribution qu'ils ont constaté, notamment si elles venaient à toucher les prestations dans la santé, le logement, ou l'éducation.
"A tous ceux qui estiment que notre politique fiscale aggrave les inégalités, je veux dire que les premières des inégalités, ce sont les inégalités devant l'emploi (...), ce sont les inégalités à l'école (...), ce sont les inégalités entre les territoires, contre lesquelles tout le gouvernement est engagé", a dit Bruno Le Maire lors de ses voeux.
Le gouvernement a mis en place fin décembre un simulateur de pouvoir d'achat, après la publication d'estimations de l'Insee selon lesquelles les mesures fiscales amputeraient le pouvoir d'achat des ménages de 4,5 milliards d'euros en 2018.
(Myriam Rivet, édité par Yves Clarisse)