PARIS (Reuters) - Les Etats-Unis ont accusé mardi le régime syrien de recourir encore à l'arme chimique, au lendemain d'une attaque dans la Ghouta orientale, et imputé à la Russie, alliée de Bachar al Assad, la responsabilité des "innombrables" victimes syriennes.
Présent à Paris pour le lancement du "Partenariat international contre l'impunité d'utilisation d'armes chimiques", le chef de la diplomatie américaine a durci le ton envers Moscou, estimant que son incapacité à faire respecter l'accord de 2013 sur le démantèlement de l'arsenal chimique syrien remettait en question son rôle dans la recherche d'un règlement global du conflit.
L'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH) a fait état lundi d'au moins 21 cas de suffocation, pour la plupart des enfants, à la suite d'une attaque chimique présumée contre Douma, une ville de la Ghouta orientale, enclave rebelle assiégée à l'est de Damas.
Rex Tillerson a évoqué "une attaque au chlore".
"Les récentes attaques dans la Ghouta orientale suscitent de sérieuses préoccupations quant au fait que Bachar al Assad continuerait à utiliser des armes chimiques contre son propre peuple", a-t-il déclaré à l'issue de la réunion de Paris.
"LA RUSSIE A VIOLÉ SON ENGAGEMENT"
"Quels que soient les responsables de ces attaques, la Russie sera in fine tenue responsable des victimes de la Ghouta orientale et des innombrables Syriens visés par des attaques chimiques depuis qu'elle s'est impliquée dans le conflit syrien", a-t-il ajouté.
La Russie est intervenue militairement en Syrie à partir de 2015, permettant au régime syrien, alors en grande difficulté, de se libérer de l'étau des rebelles. En septembre 2013, les Etats-Unis et la Russie s'étaient mis d'accord sur un plan d'élimination des armes chimiques syriennes, encadré par la résolution 2118 de l'Onu, sous l'égide de l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques (OIAC).
Damas, signataire en 2013 de la Convention pour l'interdiction des armes chimiques, assure avoir démantelé l'intégralité des stocks déclarés à cette date, ce que démentent les puissances occidentales, et ne pas utiliser des substances telles que chlore, sarin ou gaz moutarde.
Pour Rex Tillerson, la Russie, qui a opposé son veto à l'Onu à la reconduction de l'enquête sur l'attaque au sarin contre Khan Cheikhoun, une localité du nord de la Syrie, le 4 avril 2017, est la première responsable des violations répétées dont se serait rendu coupable Bachar al Assad.
Depuis le début du conflit syrien en mars 2011, la Russie a systématiquement mis son veto à toute résolution contraignante à l'encontre de Damas au Conseil de sécurité de l'Onu.
"La Russie n'a pas respecté ses engagements. Depuis avril 2014, il y a des preuves supplémentaires indiquant que la Syrie possède toujours des armes chimiques illicites et continue de les utiliser contre sa propre population", a déclaré le secrétaire d'Etat américain.
"Il est impossible de nier qu'en protégeant son allié syrien, la Russie a violé son engagement auprès des Etats-Unis en tant que garante de l'accord-cadre", a-t-il ajouté.
L'échec des autorités russes "remet en question leur pertinence quant à la résolution de la crise dans son entier", a-t-il estimé. La Russie réunit les 29 et 30 janvier prochains à Sotchi un "Congrès de paix pour la Syrie".
"IMPUNITÉ DE FAIT"
Sans citer nommément la Russie, le ministre français des Affaires étrangères a dénoncé "l'obstruction à laquelle se livrent quelques pays : en faisant cela, ils instaurent une espèce d'impunité de fait". "Les faits sont pourtant connus, ils ont été documentés de façon rigoureuse et scientifique."
"Les criminels qui ont pris la responsabilité d'utiliser et de concevoir ces armes barbares doivent savoir qu'il n'y aura pas d'impunité", a dit Jean-Yves Le Drian au terme de la réunion de la coalition anti-prolifération qui a rassemblé 24 pays.
Les Etats, qui ne sauraient "se substituer aux enceintes multilatérales existantes", se sont engagés à fournir à la communauté internationale et aux organisations chargées des enquêtes à ce sujet (Onu, OIAC) les informations "qu'ils ont pu ou pourront recueillir sur les responsables impliqués dans des attaques chimiques".
Pour premier geste, la France, qui tente de pousser ses pions diplomatiques dans le conflit syrien, a annoncé le gel des avoirs de 25 entités et responsables d'entreprises syriens, français, libanais, chinois, emiratis soupçonnés d'alimenter le programme syrien d'armes chimiques.
Emmanuel Macron a fixé pour "ligne rouge" le recours à des armes chimiques dans le conflit syrien "par qui que ce soit", affirmant qu'il ferait "l'objet de représailles et d'une riposte immédiate de la part des Français".
(John Irish et Sophie Louet, édité par Yves Clarisse)