PARIS (Reuters) - Les députés français ont engagé lundi l'examen du projet de loi sur le renforcement de la lutte contre le terrorisme, dont l'objectif est de conjurer la menace représentée par la présence de nombreux djihadistes européens en Syrie et en Irak.
Le début de cet examen intervient quelques heures après la tenue à Paris d'une conférence internationale pour coordonner la lutte contre l'Etat islamique en Irak.
Le nouvel arsenal de lutte contre le terrorisme, qui fait largement consensus, a été présenté le 9 juillet en conseil des ministres après l'attentat du Musée juif de Bruxelles et l'arrestation d'un Français, Mehdi Nemmouche, soupçonné d'être l'auteur de cette attaque qui a fait quatre victimes.
Il complète le plan mis en place fin avril pour endiguer les départs vers les zones de combats et contrôler les retours.
Pour empêcher le départ des mineurs, les autorités ont déjà mis en place une interdiction sur demande des parents qui se traduit par une inscription au fichier des personnes recherchées et une signalisation au système d'information Schengen.
La mesure phare du projet du gouvernement prévoit la possibilité d'interdire pendant une période de six mois qui peut être renouvelée indéfiniment en cas de "raisons sérieuses" la sortie du territoire à une personne majeure soupçonnée de vouloir se rendre sur le théâtre des opérations djihadistes.
Le texte crée une nouvelle incrimination, celle "d'entreprise individuelle terroriste", et renforce également la répression sur internet avec la possibilité d'un blocage administratif des sites faisant l'apologie du terrorisme.
Il a été durci par le biais d'amendements. Ainsi, la carte d'identité, et plus seulement le passeport, pourra être confisquée, ce document suffisant pour entrer en Turquie, principale porte d'entrée en Syrie.
L'UMP VOTERA LE PROJET
Un autre amendement précise l'incrimination "d'entreprise individuelle terroriste", qui sera étayée par le fait de détenir des armes et des explosifs mais aussi par la recherche sur internet des sites "provoquant directement à la commission d'actes de terrorisme ou en faisant l'apologie".
Enfin, les éditeurs et hébergeurs de sites "provoquant aux actes de terrorisme ou en faisant l'apologie" seront obligés de retirer les contenus en question. Une personnalité qualifiée nommée par la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) pourra contester le blocage du site.
Le Conseil national du numérique, qui regroupe des députés et des experts, a publié un avis négatif, cette disposition ne garantissant selon lui pas suffisamment la liberté d'expression.
Cette mesure suscite des inquiétudes de la part des groupes Front de gauche et écologiste et devrait les conduire à s'abstenir sur l'ensemble du projet de loi.
Le ministre de l'Intérieur a rejeté les accusations. "A entendre certaines déclarations, il me semble parfois qu'il y a en effet comme une funeste erreur à présenter comme liberticide, au nom de la défense des libertés publiques, la volonté de la démocratie de se protéger des terroristes qui s'acharnent à porter atteinte à ces libertés mêmes", a-t-il dit.
Le ministre a précisé que, depuis le 1er janvier dernier, le nombre de combattants français en Syrie était passé de 224 à 350, dont "au moins 63 femmes et six mineurs".
Il a ajouté que le nombre d'individus impliqués dans les filières djihadistes était passé de 555 à 932, soit une augmentation de 74% depuis le 1er janvier dernier. Trente-six d'entre eux ont été tués, 185 combattants ont quitté le théâtre des opérations et 118 d'entre eux se trouvent aujourd'hui de retour en France, a-t-il précisé.
Le groupe UMP soutient ce projet de loi. "Face au terrorisme nous avons un devoir d'unité et un devoir d'efficacité", a dit Guillaume Larrivé, co-rapporteur UMP de ce texte.
L'examen de ce texte devrait s'achever mercredi ou jeudi. Le gouvernement a décidé d'utiliser la procédure du temps programmé qui évite aux débats de durer trop longtemps. Le Sénat devrait en débattre à son tour vers la mi-octobre.
(Emile Picy, édité par Yves Clarise)