Le gouvernement britannique s'est dit prêt jeudi à "intensifier" les négociations du Brexit avec les Européens, qui craignent que les turbulences politiques incessantes au Royaume-Uni n'augmentent le risque d'une "rupture brutale" du pays avec l'UE.
Londres et Bruxelles sont censés parvenir à un accord d'ici octobre pour organiser leur divorce et jeter les bases de leur relation future. Mais les Européens s'inquiètent de l'enlisement des discussions et des remises en cause constantes en interne de la stratégie de la Première ministre, Theresa May.
"Nous avons fait beaucoup de progrès dans l'accord de retrait (...) mais il y a encore des lacunes que nous devons combler", a déclaré le nouveau ministre britannique du Brexit, Dominic Raab, accueilli jeudi soir par le négociateur en chef de l'UE, Michel Barnier, au siège de la Commission européenne à Bruxelles.
"C'est pourquoi j'ai hâte d'intensifier, de réchauffer les négociations et de faire en sorte que nous soyons dans la meilleure position pour obtenir le meilleur accord", a plaidé M. Raab, dans une courte déclaration à la presse.
"Il est urgent de convenir d'un filet de sécurité juridique pour l'Irlande et l'Irlande du Nord", a insisté de son côté M. Barnier, en référence à l'épineux problème du sort de la frontière irlandaise, devenu au fil des mois le principal point d'achoppement.
Le Français a insisté sur le fait qu'il ne restait que "13 semaines" avant le sommet européen du 18 octobre, que l'UE a fixé comme horizon pour sceller un accord sur les modalités du départ britannique, qu'il faudra ensuite faire ratifier à temps avant le départ britannique programmé le 30 mars 2019.
- "Rupture brutale" -
Quel que soit le résultat des tractations, le Brexit "aura des répercussions sur les citoyens, les entreprises et les administrations, tant au Royaume-Uni que dans l'UE", a prévenu la Commission européenne dans un document publié jeudi.
Elle invite donc "les Etats membres et les acteurs privés à intensifier leurs préparatifs" en anticipant tous les scénarios possibles, y compris celui qualifié de "rupture brutale", c'est-à-dire sans accord de retrait ratifié.
Dans ce cas de figure, des "plans d'urgence" doivent être prêts parce qu'"il n'y aura pas de période de transition" pour atténuer les effets du Brexit, souligne la Commission. Alors qu'un accord de retrait permettrait une transition jusqu'à fin 2020, avec des répercussions moins immédiates pour les entreprises et les administrations.
Parmi les nombreux domaines où il faut se préparer, la Commission cite notamment les échanges commerciaux, la reconnaissance des qualifications professionnelles de part et d'autre ou encore les échanges de données entre les deux entités.
Le gouvernement britannique lui aussi se prépare à tous les scénarios, a réagi une porte-parole de Theresa May. "Nous avons toujours dit qu'en tant que gouvernement responsable, il est souhaitable de se préparer à un +no deal+ et c'est ce que nous faisons", a-t-elle dit.
"Nous avons toujours dit que ce n'est pas quelque chose que nous voulons ou espérons, et les progrès des pourparlers jusqu'à présent suggèrent que ce n'est pas là où nous allons finir", a-t-elle ajouté.
- Situation "très volatile" -
Les tractations ont connu des avancées décisives sur la question des droits des citoyens expatriés ou encore sur le "règlement financier" du divorce, mais elle achoppe toujours sur le sort de la frontière qui va séparer l'Irlande, entre le Nord, une province qui appartient au Royaume-uni, et le Sud, Etat indépendant, qui restera dans l'UE.
La crainte d'un échec côté européen est accentuée par la contestation incessante au Royaume-Uni de la stratégie de Theresa May.
Dans un récent "Livre Blanc", qui doit encore être discuté avec les Européens, elle propose notamment une nouvelle "zone de libre-échange" qui reposerait sur un ensemble de règles communes concernant les biens et le secteur agro-alimentaire.
Les projets de la dirigeante conservatrice, reçus avec scepticisme à Bruxelles, sont contestés aussi dans ses propres rangs, où elle a dû faire face aux récentes démissions de son ministre des Affaires étrangères, Boris Johnson, vu comme un successeur potentiel, et de celui chargé du Brexit, David Davis.
"La situation à Londres est très volatile", a jugé jeudi un responsable européen, estimant qu'il fallait "être prudent" côté européen et "ne pas jeter d'huile sur le feu".
Mais les remises en cause de la stratégie de Mme May "sont un élément de complication" indéniable pour les négociations, a-t-il admis.