La Commission européenne a annoncé mercredi l'ouverture d'une enquête approfondie sur le projet d'union de la Bourse de Francfort (Deutsche Börse) et celle de Londres (LSE), déjà mis à mal par le Brexit.
L'exécutif européen, gardien de la concurrence dans l'UE, a maintenant jusqu'au "13 février 2017", précise un communiqué, pour décider du sort de cette future entité qui serait un concurrent frontal d'Euronext (Bourses de Paris, Amsterdam, Bruxelles et Lisbonne) et ICE (New York notamment).
"Nous devons veiller à ce que les acteurs du marché continuent d'avoir accès aux infrastructures des marchés financiers à des conditions concurrentielles. Aussi avons-nous ouvert une enquête approfondie afin d'examiner la concentration envisagée", a déclaré la commissaire européenne à la Concurrence, Margrethe Vestager, citée dans un communiqué.
Cet examen approfondi - qui peut éventuellement être prolongé - ne préjuge en rien de la décision finale de la Commission.
"En réunissant les bourses allemande, britannique et italienne, ainsi que plusieurs des plus grandes chambres de compensation européennes, elle conduirait à la création de l'opérateur boursier européen de loin le plus important", souligne la Commission.
L'exécutif européen énumère ensuite dans son communiqué ses réserves qui l'ont poussé à lancer cette enquête et qui concerne au premier chef les chambres de compensation détenues par les deux entités qui veulent fusionner.
"La Commission craint à titre préliminaire que la réunion des chambres de compensation ne supprime la concurrence dans plusieurs domaines, parmi lesquels les obligations, les produits dérivés", écrit-elle.
Les chambres de compensation offrent la garantie au vendeur et à l'acheteur que la transaction ira à son terme, en les protégeant contre le risque que l'une des deux parties n'honore pas son engagement. Elles sont un rouage crucial de la finance.
Pour tenter d'amadouer la Commission européenne, la Bourse de Londres a indiqué, peu après l'annonce de l'ouverture de l'enquête, "avoir l'intention d'explorer une vente potentielle de la filiale française" de sa chambre de compensation LCH.
- 'Risques pour la concurrence' -
Parmi les autres réserves mentionnées dans son communiqué, la Commission européenne dit craindre notamment "des risques pour la concurrence" dans les produits dérivés, ainsi que pour les actions allemandes.
Annoncé en mars, le mariage de l'opérateur de la Bourse allemande, Deutsche Börse, avec celui de la place londonienne, LSE, semblait également menacé par la perspective de la sortie du Royaume-Uni de l'UE. Mais pour le moment, les étapes de l'opération continuent à s'enchaîner.
En l'état actuel du projet de fusion, il est prévu de créer une nouvelle holding basée à Londres, dirigée par le patron de Deutsche Börse.
En Allemagne, plusieurs voix, notamment dans la sphère politique, ont émis des doutes quant à la domiciliation future du siège de la Bourse de Francfort hors de l'Union européenne, mais, même si la presse a fait état d'alternatives à l'étude, Deutsche Börse et LSE n'ont pour le moment pas changé leurs plans.
Par ailleurs, les ministres des Finances français, belge, néerlandais et portugais (soit les quatre pays d'Euronext) avaient clamé ces derniers mois leur inquiétude quant à ce projet, estimant qu'il posait un problème de concurrence.
Si elle voit le jour, cette union lierait la zone euro - dont le coeur bat à Francfort - à la place financière de Londres s'acheminant vers le Brexit.
C'est la troisième fois que le LSE et Deutsche Börse tentent de s'unir: les deux opérateurs avaient par deux fois échoué en 2000 et 2005.
Deutsche Börse avait également essayé sans succès de se marier en 2011 à NYSE Euronext, qui opère à New York, Paris, Amsterdam, Bruxelles et Lisbonne.
Outre la Bourse de Londres et la chambre de compensation LCH Clearnet, le LSE gère aussi la Bourse de Milan, la société d'investissements et d'indices américaine Russell Investments.
Deutsche Börse opère quant à lui la Bourse de Francfort, la chambre de compensation luxembourgeoise Clearstream et la plateforme de produits dérivés Eurex.