par Doyinsola Oladipo
NEW YORK (Reuters) - Le plus grand bateau de croisière du monde s'apprêtait à effectuer son voyage inaugural samedi, alors que des groupes de défense de l'environnement craignent que ce navire alimenté au gaz naturel liquéfié (GNL) - à l'instar d'autres paquebots de croisière géants qui suivront - ne rejette du méthane nocif dans l'atmosphère.
Le navire Icon of the Seas de Royal Caribbean International part de Miami, avec une capacité de 8.000 passagers répartis sur 20 ponts, sur fond d'engouement croissant pour les croisières.
Le GNL qui l'alimente est moins nocif que le carburant marin traditionnel mais présente des risques plus importants en termes d'émissions de méthane.
Les groupes de défense de l'environnement estiment que les fuites de méthane provenant des moteurs du navire constituent un risque inacceptable pour le climat en raison de leurs effets nocifs à court terme.
"C'est un pas dans la mauvaise direction", a déclaré Bryan Comer, directeur du programme maritime du Conseil international pour les transports propres (ICCT), un groupe de réflexion sur les politiques environnementales.
"Nous estimons que l'utilisation du GNL comme carburant marin émet plus de 120% d'émissions de gaz à effet de serre de plus sur l'ensemble du cycle de vie que le gazole marin", a-t-il déclaré.
En termes de réchauffement, le méthane est 80 fois plus nocif sur 20 ans que le dioxyde de carbone, ce qui fait de la réduction de ses émissions un élément clé de la lutte contre le réchauffement de la planète.
Les navires de croisière comme l'Icon of the Seas utilisent des moteurs à basse pression et à double carburant qui laissent échapper du méthane dans l'atmosphère au cours du processus de combustion, selon les experts de l'industrie.
Deux autres types de moteurs utilisés par les vraquiers et les porte-conteneurs émettent moins de méthane, mais ils sont de trop grande taille pour être installés sur les bateaux de croisière.
Royal Caribbean affirme que son nouveau navire est 24% plus efficace en termes d'émissions de carbone que ne l'exige l'Organisation maritime internationale (OMI).
Le GNL émet moins de gaz à effet de serre que le mazout à très faible teneur en soufre (VLSFO), qui alimente la majeure partie de la flotte mondiale, a déclaré Steve Esau, directeur général de Sea-LNG, une organisation de défense de l'industrie.
Les moteurs de croisière transforment le gaz naturel en énergie dans un cylindre, où il est "important de s'assurer que tout le gaz naturel est converti en énergie", a déclaré Juha Kytölä, directeur de la R&D et de l'ingénierie chez Wärtsilä, qui a développé des moteurs des navires de croisière.
Ce qui n'est pas converti peut s'échapper dans l'atmosphère pendant le processus de combustion, a-t-il ajouté, précisant que la technologie des moteurs à gaz naturel de Wärtsilä émettait 90% de méthane de moins qu'il y a 20 ou 30 ans.
Les moteurs des navires de croisière ont un taux d'émission de méthane estimé à 6,4% en moyenne, selon la recherche 2024 financée par l'ICCT et d'autres partenaires. L'OMI table sur 3,5%.
"Le méthane fait l'objet d'une attention accrue", a déclaré Anna Barford, responsable de la campagne sur le transport maritime au Canada pour Stand Earth, une organisation à but non lucratif, en soulignant que l'OMI a déclaré l'été dernier que ses efforts pour réduire les gaz à effet de serre incluent la lutte contre les émissions de méthane.
Sur les 54 navires commandés entre janvier 2024 et décembre 2028, 63% devraient être alimentés au GNL, selon la Cruise Line International Association. Actuellement, environ 6% des 300 navires de croisière naviguant sont alimentés au GNL.
Les nouveaux navires de croisière sont conçus pour fonctionner au gazole marin traditionnel, au GNL ou à d'autres sources d'énergie comme le bioGNL, qui ne représentent qu'une fraction de la consommation de carburant aux États-Unis.
Royal Caribbean utilisera différents carburants en fonction de l'évolution du marché, a déclaré Nick Rose, vice-président de la compagnie chargé des questions environnementales, sociales et de gouvernance.
"Le GNL est un élément de notre stratégie actuelle", a-t-il déclaré.
(Reportage de Doyinsola Oladipo à New York, rédigé par Mark Porter, version française Benjamin Mallet)