PARIS (Reuters) - La visite de quatre parlementaires français en Syrie, où trois d'entre eux ont rencontré Bachar al Assad, est "une faute morale" au regard de la responsabilité du régime dans le conflit qui ravage le pays depuis quatre ans, a dit jeudi Manuel Valls.
A Manille, François Hollande a renchéri en condamnant cette rencontre "avec un dictateur" et en poussant les partis politiques dont ces élus sont membres, y compris le Parti socialiste, à les sanctionner pour leur initiative.
"Je pense que je ne pourrai que les encourager mais je n'en ai pas la qualité", a-t-il dit lors d'une visite aux Philippines sur le thème du réchauffement climatique.
Le déplacement des quatre élus PS, UMP et UDI constitue une ligne de fracture avec la position officielle de la diplomatie française qui a rompu tout contact avec le régime syrien en mars 2012 sur fond de répression orchestrée par Bachar al Assad.
Il illustre également les interrogations grandissantes au sein des cercles diplomatiques et de renseignements sur l'attitude à adopter face à Damas, qui pourrait contribuer à endiguer la montée en puissance de l'Etat islamique (EI).
Tout en reconnaissant le droit des parlementaires "à se déplacer", le Premier ministre a condamné jeudi sur BFMTV/RMC "avec la plus grande vigueur" leur initiative.
"Ils ne sont pas allés rencontrer n'importe qui, ils sont allés rencontrer Bachar al Assad, responsable de plusieurs dizaines de milliers de morts", a dit Manuel Valls
"C'est une faute morale, les parlementaires représentent la souveraineté nationale", a-t-il conclu, estimant qu'il revenait aux élus d'en tirer les conséquences.
La délégation parlementaire était composée du député PS et président du groupe d'amitié France-Syrie à l'Assemblée nationale, Gérard Bapt, du député UMP Jacques Myard, du sénateur UMP et président du groupe d'amitié France-Syrie au Sénat Jean-Pierre Vial, ainsi que du sénateur UDI François Zocchetto.
SANCTIONS
Gérard Bapt, qui a indiqué à Reuters qu'il n'avait pas participé à la rencontre avec Bachar al Assad, va tout de même être convoqué par le Parti socialiste et sera sanctionné, a déclaré le premier secrétaire du PS Jean-Christophe Cambadélis.
Interrogé sur une éventuelle exclusion, il a répondu sur RTL que la haute autorité du PS se prononcera.
S'exprimant depuis l'aéroport de Toulouse à son retour de Syrie, Gérard Bapt a assuré que les autorités françaises étaient au courant du déplacement parlementaire.
"J'avais fait une visite aux conseillers diplomatiques de l'Elysée, de Matignon, de l'Intérieur et du Quai d'Orsay pour exprimer mon intention", a-t-il dit à la presse.
Jacques Myard a pour sa part justifié l'initiative sur Sud Radio et souligné qu'il n'était pas possible de régler la guerre civile sans parler avec Damas, affirmant que de nombreux élus jugeaient nécessaire d'adapter la politique française.
L'objectif de la mission était de "voir comment on peut évoluer par des petits pas vers une reprise du dialogue franco-syrien, même si nous ne sommes pas d'accord sur tout, même si nous avons beaucoup de choses à reprocher à ce régime".
Concernant les critiques, notamment du Quai d'Orsay qui a pris ses distances tôt cette semaine avec l'initiative parlementaire, il a déclaré: "Si on continue cette politique d'aveuglement, d'autisme on va dans le mur", a-t-il ajouté.
L'initiative a reçu le soutien du président UMP du Sénat Gérard Larcher, lui-même en déplacement en Russie où il a été reçu par Vladimir Poutine en pleine crise ukrainienne.
"Il n'y a pas à excuser, les parlementaires sont des gens libres", a-t-il dit sur Public Sénat, prenant le contre-pied de son homologue PS à l'Assemblée nationale Claude Bartolone qui a condamné à titre personnel la visite des élus.
(Marine Pennetier, avec Emile Picy à Paris et Manuel Mogato à Manille, édité par Yves Clarisse)