par Marc Angrand
PARIS (Reuters) - Les Bourses européennes ont fini dans le rouge jeudi, plombées une nouvelle fois par les craintes d'un échec des discussions commerciales entre les Etats-Unis et la Chine susceptible de conduire à une nouvelle hausse immédiate des droits de douane américains et, au-delà, de prolonger l'incertitude sur la croissance et les résultats des sociétés cotées.
À Paris, le CAC 40 a terminé sur un recul de 1,93% (104,43 points), sa plus mauvaise performance en pourcentage depuis le 22 mars, pour clôturer à 5.313,16 points, au plus bas depuis six semaines. A Londres, le FTSE 100 a perdu 0,87% et à Francfort, le Dax a reculé de 1,69%.
L'indice EuroStoxx 50 a cédé 1,95%, le FTSEurofirst 300 1,76% et le Stoxx 600 1,65% à 375,92 points, sa plus mauvaise clôture depuis le 25 mars.
Les négociations entre responsables américains et chinois devaient reprendre dans la journée à Washington et les dernières déclarations des deux côtés augurent d'un climat tendu: Donald Trump a reproché mercredi soir à la Chine d'avoir "rompu l'accord" conclu précédemment et Pékin a dit se préparer à toutes les éventualités.
En cas d'échec de ces pourparlers vendredi, l'administration américaine pourrait immédiatement porter de 10% à 25% les droits de douane sur 200 milliards de dollars (178 milliards d'euros) de produits chinois, tout en menaçant d'étendre la taxation à des centaines de milliards de produits supplémentaires.
"Les Etats-Unis sont sur le point de faire monter les enchères demain en relevant les droits et en mettant en place de nouveaux tarifs sur les importations en provenance de Chine, ce qui pousse les traders à battre en retraite", explique David Madden, analyste de CMC Markets.
"L'Europe est prise entre deux feux car si les deux premières puissances économiques mondiales se lancent dans une guerre commerciale, cela ne sera bon pour personne."
VALEURS
Les secteurs les plus exposés aux tensions commerciales ont une nouvelle fois accusé les replis les plus marqués en Europe: l'indice Stoxx de l'automobile a cédé 2,86%, sa pire séance depuis le 7 février, celui des hautes technologies 2,28% et celui des ressources de base 2,03%.
PSA (PA:PEUP) (-2,48%) n'a que brièvement réagi à des informations de presse évoquant une possible vente de Jaguar Land Rover au constructeur automobile français.
La baisse des rendements obligataires, la probabilité de plus en plus faible d'une hausse des taux d'intérêt et les risques de ralentissement économique prolongé ont parallèlement pénalisé les financières: le compartiment des banques a perdu 2,26% et celui de l'assurance 2,11%.
Lanterne rouge du CAC 40, ArcelorMittal (AS:MT) a chuté de 6,09% après avoir réduit sa prévision de demande pour le marché européen à l'occasion de la publication de ses résultats trimestriels.
ADP (PA:ADP) a cédé 5,68% après le feu vert du Conseil constitutionnel à une procédure susceptible d'aboutir à un référendum sur le projet de privatisation.
Les secteurs de l'immobilier (+0,38%) et des services aux collectivités ("utilities") ont surperformé en profitant de leur caractère défensif, ce dernier cédant toutefois 0,80%, ce qui est bien loin cependant des plus grosses pertes sectorielles de la journée.
A WALL STREET
Au moment de la clôture en Europe, Wall Street évoluait elle aussi dans le rouge, le Dow Jones cédant 1,54%, le Standard & Poor's 500 1,19% et le Nasdaq Composite 1,47%.
Ce dernier a enfoncé sa moyenne mobile à 50 jours, un important seuil technique.
L'indice de volatilité du CBOE, considéré comme un bon baromètre de la nervosité des investisseurs, prend plus de 20% et a touché son plus haut niveau depuis le 4 janvier.
LES INDICATEURS DU JOUR
Les enjeux liés au commerce international ont en grande partie occulté les indicateurs économiques du jour aux Etats-Unis. Les chiffres mensuels du commerce extérieur ont pourtant montré une réduction du déficit américain des échanges de biens avec la Chine, au plus bas depuis cinq ans.
Les prix la production américains sont parallèlement ressortis en légère hausse et les inscriptions au chômage ont diminué un peu moins qu'attendu.
CHANGES
Le repli sur les devises jugées les plus sûres, yen et franc suisse en tête, fait souffrir le dollar, qui abandonne 0,31% face à un panier de devises de référence et a désormais effacé tous les gains engrangés depuis le 1er mai et la dernière réunion de la Réserve fédérale.
Face au yen, la monnaie américaine évolue au plus bas depuis trois mois.
L'euro profite de ce nouvel accès de faiblesse du billet vert pour remonter au-dessus de 1,1225 dollar après un plus bas à 1,1171 en début de journée.
Le yuan a quant à lui touché un plus bas de quatre mois face a dollar, l'inquiétude liée aux droits de douane américains occultant les chiffres mensuels de l'inflation en Chine, marqués par la plus forte hausse des prix à la production depuis quatre mois.
TAUX
L'aversion au risque continue de favoriser la baisse des rendements obligataires: celui des Treasuries américains à dix ans évolue sous 2,44% et son écart avec le rendement des bons à trois mois est désormais inférieur à 1,5 point de base.
En Europe, le rendement du Bund allemand à dix ans réduisait légèrement ses pertes en fin de séance à -0,046% après un plus bas de -0,069%.
PÉTROLE
Les cours du brut sont en nette baisse, la crainte de voir la montée des barrières douanières freiner la demande ayant fini par l'emporter sur l'impact de la baisse des stocks aux Etats-Unis.
Le brut léger américain (West Texas Intermediate, WTI) cède plus de 1%, autour de 61,40 dollars le baril, et le Brent est revenu sous 70 dollars.
A SUIVRE VENDREDI:
Si les incertitudes sur le conflit commercial sino-américain risquent fort de dominer une nouvelle fois l'actualité des marchés, les investisseurs seront aussi attentifs aux chiffres du produit intérieur brut (PIB) britannique et à ceux des prix à la consommation aux Etats-Unis.
(Édité par Wilfrid Exbrayat)