Coup de théâtre dans le feuilleton LSE/Deutsche Börse: la place financière londonienne a annoncé qu'elle refusait d'accéder à une demande de dernière minute de la Commission européenne, ce qui risque de condamner la fusion des deux groupes boursiers.
Le London Stock Exchange (LON:LSE) a publié dimanche soir un communiqué qui a fait l'effet d'une petite bombe dans le monde de la finance européenne. L'opérateur des Bourses de Londres et de Milan a révélé que l'exécutif bruxellois, qui se penche depuis la fin septembre sur son projet d'union avec la maison-mère de la place de Francfort, avait exigé de nouvelles conditions il y a dix jours.
Cette revendication a constitué le dernier obstacle en date pour cette fusion annoncée il y a près d'un an et parsemée d'embûches, dont la décision des Britanniques de quitter l'UE (Brexit) par référendum le 23 juin qui a rendu très mouvant le terrain politique et légal.
D'après le LSE, Bruxelles a demandé que le groupe britannique cède sa part majoritaire dans MTS, une plate-forme d'échange électronique italienne spécialisée notamment sur les marchés des obligations d'Etats européens.
Cette requête de la Commission est intervenue après l'engagement formel du LSE et de Deutsche Börse de vendre la filiale française de la chambre de compensation du LSE, LCH.Clearnet SA, à l'opérateur Euronext afin d'apaiser les craintes en termes de concurrence que la fusion des groupes britannique et allemand pouvait nourrir à Bruxelles.
"La Commission a étonnamment soulevé de nouvelles inquiétudes à propos de la viabilité du remède suggéré à propos de LCH SA, par rapport à à l'accès aux marchés obligataire et de pension livrée fourni par MTS", a indiqué le LSE dans son communiqué.
Le groupe britannique a expliqué avoir sondé plusieurs parties à propos d'une éventuelle vente de MTS, sur laquelle Bruxelles aurait exigé une première réponse pour lundi midi. Mais l'opérateur britannique a souligné qu'au vu de ces premiers échanges, notamment avec les autorités italiennes, cette cession supplémentaire aurait été trop complexe à ordonner.
Le LSE a du coup décidé de ne pas obtempérer et de ne pas céder cet actif en Italie, ce qui risque au final de faire échouer l'ensemble de l'opération LSE/Deutsche Boerse (DE:DB1Gn).
"Vu la position actuelle de la Commission européenne, le LSE pense que celle-ci ne devrait probablement pas donner son feu vert à la fusion" entre les deux groupes boursiers, a reconnu le groupe britannique.
- Un troisième échec ? -
Le conseil d'administration du LSE a certes indiqué aussi qu'il continuait de souhaiter cette fusion avec le groupe allemand, mais n'a pas précisé comment il comptait s'y prendre et a ajouté qu'il avait confiance en sa vigueur "en tant qu'entreprise autonome".
Interrogée par l'AFP, la Commission européenne n'a souhaité faire aucun commentaire.
Dans un bref communiqué, Deutsche Börse a confirmé pour sa part le refus du LSE de se séparer de MTS, et déclaré attendre désormais une décision "vers la fin mars" de l'exécutif bruxellois.
"Ca ressemble bien à un clap de fin" pour la fusion, a réagi Thomas Moore, directeur des investissements chez Standard Life Investments, sur la BBC Radio 4.
Les actions des groupes concernés chutaient en Bourse en conséquence: vers 10H40 GMT, Deutsche Börse dévissait de 4,61% à 80,07 euros et LSE de 3,23% à 30,24 livres. Euronext perdait pour sa part 2,91% à 39,69 euros: la cession de LCH.Clearnet SA à son profit, conditionnée à la réalisation de la fusion, pourrait aussi être compromise.
Annoncé en mars dernier, la fusion LSE-Deutsche Börse prévoyait de créer une nouvelle holding basée à Londres, dirigée par le patron de Deutsche Börse. Elle devait donner naissance à un géant boursier de la taille de ceux formés aux Etats-Unis entre le CME de Chicago et l'ICE de New York, ou en Asie avec l'opérateur de Hong Kong.
L'union aurait lié ainsi la zone euro - dont le cœur bat à Francfort - à la place financière de Londres s'acheminant vers le Brexit.
"Cette fusion aurait constitué un pas en avant majeur dans l'intégration du système financier européen. Sans elle, les Bourses d'action vont rester plus fragmentées" en Europe, a expliqué Guntram Wolff, directeur de l'institut Bruegel.
C'est la troisième fois que le LSE et Deutsche Börse tentent de s'unir: les deux opérateurs avaient par deux fois échoué en 2000 et 2005.
Deutsche Börse avait également essayé, sans succès, de se marier en 2011 à NYSE Euronext, avant qu'Euronext ne sorte du giron du groupe américain.