par David Randall
NEW YORK (Reuters) - Le rally dont a bénéficié Wall Street depuis le début de l'année a du plomb dans l'aile avec la remontée des rendements obligataires.
Les marchés actions ont résisté pendant des semaines à la hausse des rendements des bons du Trésor avec les anticipations d'un resserrement plus important de la politique monétaire de la Réserve fédérale.
Les observateurs préviennent toutefois que les rendements atteignent une zone dangereuse où les actions perdent très vite de leur intérêt. Le bon du Trésor à six mois est à son plus haut niveau depuis près de 16 ans, avec un rendement supérieur à 5% sur un actif que beaucoup jugent bien plus sûr que les actions.
"Tout d'un coup, l'inflation est un peu plus forte que nous le pensions et la Fed semble vouloir continuer à augmenter les taux, ce qui est un obstacle pour les actions lorsque des obligations à court terme peuvent rapporter 5%", souligne Jonathan Golub, responsable de stratégie pour le marché américain chez Credit Suisse.
Le Standard & Poor's-500 a reculé de 4,4% par rapport à ses récents plus hauts mais reste en hausse de 4,1% depuis le début de l'année. L'indice de référence de Wall Street a connu jeudi sa pire séance de l'année avec un recul de 2%.
Le rendement des Treasuries à dix ans, qui évoluent en sens inverse des cours, a grimpé d'environ 60 points de base depuis son plus bas de janvier.
Certains stratèges mettent en garde contre un scénario de "no-landing" dans lequel la Fed ne serait pas en mesure de ralentir l'économie, ce qui l'obligerait à opter pour d'autres relèvements de taux, avec pour conséquence des rendements obligataires encore plus élevés.
BlackRock (NYSE:BLK) a décidé d'accroître les allocations sur les obligations américaines de court terme, tout en maintenant l'exposition aux actions des marchés développés à "sous-pondérer" et en augmentant celle des marchés émergents.
"Les obligations à taux fixe offrent enfin un revenu après la flambée des rendements à l'échelle mondiale", relèvent les stratèges du numéro un mondial de la gestion d'actifs. "Cela a renforcé l'attrait des obligations après des années de privation."
MAUVAIS RAPPORT BÉNÉFICE/RISQUE POUR LES ACTIONS
Selon le baromètre "FedWatch" de CME Group, les marchés estiment à 24% la probabilité que la Fed relève l'objectif du taux des "fed funds" d'un demi-point lors de sa réunion du 22 mars alors que cette option n'était pas du tout envisagée il y a un mois.
Les analystes de Morgan Stanley (NYSE:MS) ont noté mardi que la prime de risque sur les actions - ce qui correspond au rendement potentiel d'une action par rapport aux emprunts d'Etat - est tombée à des niveaux jamais vus depuis 2007 en raison de la hausse des rendements et de probables déceptions sur les bénéfices futurs des entreprises.
Il s'agit d'une "zone de mort" qui rend la balance "risque-bénéfice très mauvaise" pour les actions, a déclaré Michael Wilson chez Morgan Stanley. "Nous pensons que les risques sont extrêmes aujourd'hui et qu'il est presque impossible de les justifier par n'importe quel argument que l'on pourrait inventer."
Jonathan Golub, chez Credit Suisse, est optimiste sur les actions non américaines, qui selon lui se négocient à des valorisations plus intéressantes alors que la hausse des rendements et l'inflation pourraient mettre sous pression les coûts des sociétés américaines.
Le Stoxx 600 a un ratio cours sur bénéfice estimé de 12,8, inférieur aux 18,2 du S&P 500 et aux 15,4 du Nikkei japonais.
"Si vous allez en dehors des Etats-Unis, vous pouvez obtenir une meilleure croissance sous-jacente des bénéfices pour moins d'argent", insiste Jonathan Golub.
Mais les investisseurs à long terme ont l'histoire de leur côté: les années au cours desquelles le S&P 500 a progressé en janvier ont vu un gain supplémentaire sur février-décembre dans 83% des cas, avec une hausse moyenne de plus de 11% sur 11 mois, selon CFRA Research. En janvier, le S&P 500 a gagné 6,18%.
Elizabeth Burton, stratège chez Goldman Sachs (NYSE:GS), s'attend à ce que la hausse des rendements pèse sur les valeurs technologiques.
Elle estime dans le même temps que de nombreux investisseurs pourraient hésiter à se séparer de leurs actions après la forte baisse de 2022, pendant laquelle le S&P-500 a chuté de 19,4%.
"L'environnement devient de plus en plus favorable au 'stock picking' (sélection des titres, NDLR) car on ne peut pas compter sur une marée montante qui soulèverait tous les bateaux", résume-t-elle.
(Reportage David Randall, version française Laetitia Volga, édité par)
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