Le gouvernement italien s'est défendu lundi de tout "protectionnisme" à l'égard de la compagnie aérienne Alitalia, alors qu'est attendue en soirée la confirmation de l'entrée à son capital du groupe public Poste Italiane, la position de son actionnaire principal Air France-KLM demeurant quant à elle encore incertaine.
Une assemblée générale extraordinaire était en cours lundi soir pour valider les mesures annoncées vendredi soir par le conseil d'administration d'Alitalia, c'est-à-dire une augmentation de capital de 300 millions d'euros, dont une partie (jusqu'à 75 M EUR) sera très probablement assurée par la Poste italienne, et de nouvelles lignes de crédit bancaires à hauteur de 200 millions d'euros.
Mais l'adoption de ce plan, si elle a permis à Alitalia d'assurer les vols normalement pendant tout le week-end alors qu'elle aurait vu ses avions cloués au sol dès samedi dans le cas contraire, se heurte à de vives critiques en raison du rôle joué par les pouvoirs publics dans une entreprise entièrement privée et qui plus est, avait déjà bénéficié d'un coûteux sauvetage aux frais des contribuables italiens il y a cinq ans.
Le groupe International Airlines Group (IAG), issu du regroupement de la compagnie aérienne britannique British Airways et de l'espagnole Iberia, a dénoncé lundi une "aide manifestement illégale" et appelé la Commission européenne à "prendre des mesures pour (la) suspendre".
"Nous avons toujours été opposés à l'aide d'Etat. Elle est protectionniste, nuit à la concurrence et favorise les compagnies en difficultés", a déclaré une porte-parole.
"Nous attendons que les autorités italiennes notifient à la Commission européenne les mesures envisagées. Ce n'est qu'après avoir reçu cette notification que nous serons en mesure d'évaluer leur compatibilité avec les règles européennes en matière d'aides d'Etat", a réagi un porte-parole de la Commission, Antoine Colombani, interrogé par l'AFP.
Le plan a aussi été frontalement attaqué lundi par l'influent quotidien Financial Times, qui dénonce dans un éditorial "une nouvelle vague de protectionnisme en Italie qui risque de faire peur aux investisseurs". "Comme Poste Italiane appartient au gouvernement, le plan dégage une forte odeur d'aide publique", souligne-t-il.
Au-delà de la seule Alitalia, le journal déplore aussi les réactions de rejet et les pressions politiques récemment apparues dans la classe politique italienne dans des dossiers impliquant les entreprises Telecom Italia, détenue en partie par l'espagnol Telefonica, et Finmeccanica, qui envisageait jusqu'à récemment de céder d'importantes filiales à des groupes étrangers.
"Ce n'est pas du protectionnisme, mais l'exact opposé", a répliqué une source gouvernementale. Il s'agit "d'accompagner au mieux Alitalia vers l'intégration avec un partenaire étranger. C'est donc l'exact contraire du protectionnisme", a insisté cette source auprès de l'AFP.
Le ministre des Transports, Maurizio Lupi, avait déjà dû intervenir sur le même thème dimanche en affirmant que "l'Etat n'avait pas versé un seul euro des poches des citoyens et ne paierait pas un seul euro des dettes créées par les (actionnaires) privés".
"Peut-être que l'opération qu'a menée le gouvernement ces dix derniers jours n'a pas été comprise. Nous ne voulons sauver personne (...) Nous avons identifié les conditions permettant une relance du plan stratégique (d'Alitalia), différent du plan actuel et qui permettent à une entreprise comme celle-ci de revenir négocier avec Air France sans être dans une position de faiblesse", a-t-il insisté.
Le ministre a répété souhaiter qu'Air France-KLM, principal actionnaire de la compagnie avec 25%, "participe à l'augmentation de capital", faute de quoi elle pourrait voir sa participation réduite à 10-11%. "Le gouvernement n'est pas un entrepreneur privé, mais en tant que gouvernement il cherchera, d'abord avec Air France, puis avec d'autres partenaires internationaux, à relancer un secteur qui pour nous est stratégique", a-t-il dit.
Mais à ce stade Air France-KLM explique que son feu vert à l'augmentation de capital ne signifie pas forcément qu'elle compte y participer, et a laissé entendre qu'elle pourrait poser d'autres conditions avant de se lancer. Selon le quotidien La Stampa, celles-ci inclueraient une restructuration de la dette de 1,2 milliard d'euros d'Alitalia, un changement de stratégie, notamment à l'international, et un renouvellement de l'équipe dirigeante.
A l'heure actuelle, l'assemblée générale de lundi ne devrait pas forcément permettre d'y voir plus clair dans le jeu des Français même s'ils valident le principe de l'augmentation de capital, a-t-on expliqué chez Alitalia. La décision devrait en effet être assortie d'une période au cours de laquelle ils pourront décider individuellement de leur participation, ce qui pourrait renvoyer de plusieurs semaines le choix final d'Air France-KLM et des autres actionnaires.