par Vladimir Abramov et Alexander Winning
MOSCOU (Reuters) - Le rouble a regagné du terrain mercredi après deux jours de chute libre, soutenu par les pressions du gouvernement sur les exportateurs pour qu'ils n'accumulent pas leurs devises et par la promesse de nouvelles mesures de stabilité financière de la banque centrale russe.
Vers 16h55 GMT, le rouble gagnait près de 9% face au billet vert, à 61,30 roubles pour un dollar, et près de 8,5% face à l'euro, à 75,97.
Le marché reste nerveux à la suite de l'effondrement de ces derniers jours, qui a poussé la banque centrale à relever lundi soir son taux directeur de 650 points de base, une mesure d'urgence qui n'a pas empêché mardi une nouvelle chute de la monnaie.
Le rouble affiche une baisse de près de 50% face au dollar cette année, son plus fort repli depuis la crise financière russe de 1998. Il a perdu mardi jusqu'à autour de 20% face à la monnaie américaine.
Le Premier ministre, Dmitri Medvedev, a rencontré mercredi les principaux exportateurs du pays, dont Gazprom et Rosneft, pour leur demander d'agir "de manière responsable" avec leurs recettes en devises.
La banque centrale russe a annoncé mercredi qu'elle allait prendre des mesures supplémentaires pour favoriser la stabilisation des marchés.
Elle a fait savoir dans un communiqué qu'elle préparait avec le gouvernement une série de dispositions pour renforcer si besoin le capital des banques et des entreprises financières.
Elle envisage aussi de nouvelles adjudications de devises si nécessaire, ainsi qu'un gel de la réévaluation du portefeuille de titres des banques.
UN TEST POUR POUTINE
La dépréciation du rouble constitue un test politique majeur pour le président russe Vladimir Poutine, dont la popularité dépend en partie de sa réputation de garant de la prospérité et de la stabilité économique.
Le chef de l'Etat, qui tient jeudi sa traditionnelle conférence de presse annuelle, a imputé la crise de change à la spéculation et à la politique occidentale. Mais il lui sera difficile d'éluder ses conséquences pour l'économie russe, dont la banque centrale a prévenu qu'elle pourrait se contracter de 4,5% en 2015 si le pétrole tombe à 60 dollars le baril.
Pour expliquer le rebond de mercredi, les cambistes évoquent des ventes de dollars de la part d'exportateurs pour des motifs fiscaux. L'un d'entre eux n'exclut pas que la banque centrale soit de nouveau intervenue sur le marché pour soutenir le rouble.
L'institution ne publie qu'avec deux jours de décalage le montant de ses éventuelles interventions. Lundi, elle a consacré 1,961 milliard de dollars à défendre le rouble.
"Le raffermissement du rouble semble artificiel et pourrait donc venir de la banque centrale même si je ne peux pas le garantir à 100%. Il pourrait aussi s'agir d'un exportateur isolé que les autorités ont convaincu de vendre des dollars", dit-il.
La banque centrale russe a injecté 80 milliards de dollars sur le marché des changes depuis le début de l'année pour soutenir le rouble, affecté par la glissade des cours du pétrole, les sanctions occidentales liées au rôle de Moscou dans la crise ukrainienne et un sentiment croissant de panique sur le marché.
A la Bourse de Moscou, l'indice Micex, coté en rouble, a cédé 2,11% mercredi tandis que l'indice RTS, calculé en dollar, gagnait plus de 14%, effaçant la quasi-totalité des pertes subies la veille.
(Patrick Vignal pour le service français, édité par Marc Angrand)