par Marc Angrand
PARIS (Reuters) - Wall Street est attendue en baisse jeudi et les Bourses européennes sont en net recul après les plus hauts de plus de sept ans inscrits par les rendements des emprunts d'Etat américain, un mouvement qui se propage à l'ensemble du marché obligataire et détourne les investisseurs des actions tout en favorisant le dollar.
Les contrats à terme sur les principaux indices new-yorkais préfigurent une ouverture de Wall Street en repli de 0,3% à 0,5% après le nouveau record inscrit mercredi en séance par le Dow Jones.
À Paris, le CAC 40 perd 0,84% à 5.445,14 points vers 11h30 GMT. À Francfort, le Dax (qui était fermé mercredi) cède 0,05% et à Londres, le FTSE 100 recule de 0,88%.
L'indice paneuropéen FTSEurofirst 300 est en baisse de 0,59%, l'EuroStoxx 50 de la zone euro de 0,31% et le Stoxx 600 de 0,63%.
Les dernières déclarations de Jerome Powell, le président de la Réserve fédérale (Fed), et d'autres responsables de la banque centrale américaine sur la vigueur de la croissance aux Etats-Unis et la possibilité d'une remontée des tau au-dessus du niveau "neutre" semblent avoir fourni un nouvel argument aux marchés pour faire monter les rendements des emprunts d'Etat: à 3,2135% après un pic à 3,2325%, celui des Treasuries à dix ans évolue au plus haut depuis la mi-2011 et ceux des échéances plus courtes, davantage sensibles à l'évolution des anticipations de taux, ont atteint des plus hauts de plus de dix ans.
La probabilité estimée d'une hausse de taux de la Fed en décembre dépasse désormais 80% et celle d'un nouveau relèvement en mars 2019 avoisine 60% selon le baromètre CME FedWatch.
"Les marchés sont en train de réévaluer la manière dont va se dérouler le cycle de resserrement de la Fed et s'attendent à ce que les hausses de taux se poursuivent plus longtemps", résume Jasper Lawler, responsable de la recherche de London Capital Group.
TAUX
La hausse des rendements américains s'est propagée à l'Asie puis à l'Europe: le rendement du Bund allemand à dix ans, référence pour la zone euro, prend plus de cinq points de base à 0,53%, après un pic de quatre mois et demi à 0,551%, et son équivalent français, à 0,876%, est au plus haut depuis la mi-juin.
L'évolution des rendements dans les prochaines heures pourrait être influencée par les chiffres hebdomadaires des inscriptions au chômage aux Etats-Unis, attendus à 12h30 GMT, à la veille de la publication du rapport mensuel sur l'emploi du département du Travail.
Exception au mouvement général de hausse marquée: les rendements des emprunts d'Etat italiens n'enregistrent qu'une hausse modérée après les nouveaux objectifs de déficit budgétaire de Rome. Le gouvernement Conte a affiché jeudi sa détermination à creuser le déficit à 2,4% du produit intérieur brut (PIB) l'an prochain.
VALEURS EN EUROPE
Comme mercredi à Wall Street, la hausse des rendements profite aux valeurs financières, la remontée de taux d'intérêt favorisant généralement la rentabilité des banques et des assureurs.
L'indice Stoxx européen du secteur de l'assurance progresse ainsi de 1,15%, celui des banques de 0,71%.
Le réassureur allemand Munich Re (DE:MUVGn) (+2,26%) et l'assureur français Axa (PA:AXAF) (+1,87%) enregistrent les meilleure performances de l'EuroStoxx 50 et à Paris, Crédit agricole (PA:CAGR) (+1,87%) est en tête du CAC.
A la baisse, les secteurs défensifs souffrent de la concurrence renforcée des emprunts d'Etat: le compartiment de l'immobilier cède 1,8%, celui des services aux collectivités ("utilities") 1,59%.
Les géants français du luxe Kering (PA:PRTP) et LVMH (PA:LVMH) perdent respectivement 5,66% et 3,53%. Dans une note publiée ce jeudi, les analystes de Bryan Garnier disent s'attendre à un ralentissement de la croissance du secteur au deuxième semestre même si la tendance de long terme reste favorable.
Les équipementiers automobiles sont quant à eux pénalisés par la publication d'une note d'analyse d'Exane BNP Paribas (PA:BNPP) jugeant leur valorisation excessive. Faurecia (PA:EPED) chute de 6,31%, Valeo (PA:VLOF) cède 5,18%, Schaeffler 3,18% et Continental (DE:CONG) 3,73%.
Danske Bank cède 3,85% après avoir annoncé que la justice américaine enquêtait elle aussi sur les soupçons de blanchiment d'argent pesant sur sa filiale estonienne.
Les valeurs à suivre à Wall Street
CHANGES
Le dollar réduit ses gains après avoir atteint en début de journée en Asie son plus haut niveau depuis le 20 août face à un panier de devises de référence.
Au-delà de l'effet favorable de la hausse des rendements des Treasuries, le billet vert a profité mercredi du chiffre supérieur aux attentes de l'indice ISM américain des services, au plus haut depuis 1997.
L'euro, lui, oscille autour du seuil de 1,15 dollar après être tombé à 1,1460, son plus bas niveau depuis six semaines.
ÉMERGENTS
La hausse du dollar et des rendements des emprunts d'Etat américains fait souffrir les marchés actions émergents, dont l'indice MSCI cède 1,89% et s'achemine vers sa plus mauvaise séance depuis plus de six mois. La baisse a dépassé 2% pour la Bourse de Bombay et 1,5% pour Séoul comme pour Istanbul.
Les monnaies émergentes accusent quant à elles un repli de 0,56%.
PÉTROLE
Les cours du brut se replient légèrement mais restent proches des plus hauts de près de quatre ans atteints ces derniers jours, la perspective de l'entrée en vigueur début novembre de nouvelles sanctions américaines contre l'Iran leur assurant un soutien solide.
Le Brent se traite ainsi au-dessus de 86 dollars le baril et le brut léger américain (West Texas Intermediate, WTI) à plus de 76 dollars.
Les positions à terme tablant sur un baril à 100 dollars continuent d'augmenter, montrent des chiffres publiés par CME Group.
(Avec Ritvik Carvalho à Londres, édité par Patrick Vignal)