par Tim Kelly et Chris Gallagher
TOKYO (Reuters) - Dans son supermarché à bas prix de Tokyo, Hiromichi Akiba a commencé à remplacer le bœuf par du poulet, ses clients se rabattant sur des viandes moins chères alors que l'inflation érode la consommation dans l'archipel.
Le Japon est entré de manière inattendue en récession au quatrième trimestre, la demande domestique qui représente plus de la moitié de l'économie du pays, arrivant à bout de souffle.
En diminuant de 0,4% l'an dernier, l'économie japonaise est passée derrière celle de l'Allemagne, devenue troisième économie mondiale derrière les États-Unis et la Chine.
Hiromichi Akiba n'en est pas à sa première récession, puisqu'il a ouvert son magasin en 1992, alors que le Japon était en pleine stagnation après la fin du boom économique. La situation actuelle est toutefois bien plus grave, car l'inflation et la dépréciation continue du yen entraînent une hausse des coûts de la main-d'œuvre, des transports et de l'énergie qu'il est difficile de répercuter sur les clients.
"Les clients avaient l'habitude de venir en sachant ce qu'ils voulaient acheter, mais ils achètent désormais ce qui est bon marché", explique-t-il, au milieu de paniers de choux chinois coupés en quatre pour 48 centimes d'euros et de couronnes de brocolis pour 62 centimes.
Les détaillants japonais sont "en guerre" les uns contre les autres pour attirer des clients, a-t-il ajouté.
Le géant de la distribution Aeon a également déclaré remarquer la sensibilité aiguë des clients aux hausses des prix, son directeur de la stratégie Motoyuki Shikata expliquant aux analystes le mois dernier qu'il constatait une grande "fatigue" des acheteurs à qui l'on demandait de payer plus cher.
L'impact de l'inflation contraste avec le boom des actions japonaises, l'indice Nikkei étant à son plus haut depuis 34 ans. La faiblesse du yen a rendu les actions plus attrayantes et a contribué à accroître les bénéfices des exportateurs, comme le constructeur automobile Toyota (TYO:7203).
Harumitsu Moriyasu, l'un des clients réguliers d'Hiromichi Akiba, ne s'attend pas à ce que le sort des consommateurs s'améliore de sitôt. À un an de la retraite, ce travailleur employé dans le secteur social se demande si sa pension suffira.
"Les États-Unis et la Chine sont plus peuplés que le Japon, il est donc logique que leurs économies soient plus importantes, mais l'Allemagne a une population plus faible. La situation doit donc être grave" pour que son économie ait dépassé celle du Japon, conclut-il.
(Reportage Tim Kelly et Chris Gallagher, version française Corentin Chappron, édité par Zhifan Liu)