par Chuck Mikolajczak
NEW YORK (Reuters) - Après une semaine de montagnes russes à Wall Street, les investisseurs attendent avec fébrilité les chiffres de l'inflation de janvier qui pourraient annoncer une accalmie sur le marché boursier ou au contraire provoquer un nouvel accès de volatilité.
L'indice des prix à la consommation (CPI), publié mercredi par le département du Travail, et son équivalent des prix à la production (PPI) le lendemain risquent de susciter de nouvelles turbulences s'ils ressortent au-dessus des attentes.
Le CPI a augmenté de 2,1% en variation annuelle en décembre et les économistes l'attendent au même niveau ou inférieur en janvier, leur estimation moyenne étant de 1,9% selon Reuters.
"Un chiffre au-dessus du consensus ajoutera une incertitude supplémentaire mais un chiffre inférieur, tranquille, pourrait faire retomber les rendements et profiter aux actions", commente Jason Ware, chef économiste chez Albion Financial Group à Salt Lake City (Utah).
Le marché boursier américain est devenu hautement sensible à l'inflation depuis l'annonce, le 2 février, de la plus forte croissance du salaire horaire aux Etats-Unis depuis juin 2009.
Avec la réforme fiscale susceptible d'accélérer encore la croissance et la perspective d'une augmentation de besoins d'emprunt pour financer le creusement du déficit budgétaire, les rendements des obligations du Trésor sont à leurs plus hauts depuis près de quatre ans.
L'annonce de la hausse plus forte que prévu des salaires en janvier a poussé le rendement des Treasuries à 10 ans jusqu'à 2,885% le 5 février, réduisant l'attrait du marché boursier et faisant craindre que le regain de l'inflation ne force la Réserve fédérale à accélérer ses hausses de taux.
Le rendement des bénéfices des sociétés de l'indice S&P-500 est actuellement de 5,4%, sous la moyenne de 6,4% de ces 20 dernières années. Avec la hausse des rendements obligataires, l'écart entre les deux rétrécit, provoquant des changements d'allocations d'actifs au profit des obligations et au détriment des actions.
Les données hebdomadaires sur les flux compilées par Lipper ou Bank of America (NYSE:BAC) Merrill Lynch montrent d'importantes sorties nettes des fonds actions au profit des fonds obligataires.
En décembre, la Réserve fédérale avait dit projeter trois hausses de taux en 2018. Jeudi, le président de la Fed de New York William Dudley a qualifié cette projection de "très raisonnable" mais il a ajouté que d'autres resserrements seraient possibles si la croissance accélérait.
Les traders estiment actuellement à 84,5% la probabilité d'un tour de vis de 25 points de base à la prochaine réunion monétaire des 20 et 21 mars, selon les données Thomson Reuters.
FÉBRILITÉ
Le rendement des Treasuries à 10 ans a fini la semaine à 2,853% vendredi après sa poussée de lundi à 2,885%, tout près du seuil des 3,0% qui n'a plus été atteint depuis quatre ans.
Si beaucoup d'analystes anticipaient une progression des rendements des emprunts d'Etat cette année en parallèle à l'amélioration de la croissance mondiale, la brutalité de la hausse a surpris et contribué pour une bonne part à la chute de 5,2% du Dow Jones et du S&P-500 en une semaine, malgré un rebond sur la séance de vendredi.
Les indices ont accusé leur plus mauvaise performance hebdomadaire depuis janvier 2016, et sur deux semaines il s'agit de leur plus forte baisse en pourcentage depuis août 2011.
"Le rythme (de hausse des taux longs) compte beaucoup en effet", confirme Ron Temple, responsable des actions US et co-responsable de l'investissement multi-actifs chez Lazard Asset Management à New York. "Si on atteint les 3,0% (sur le 10 ans) dans les prochains jours, le marché va de nouveau prendre peur."
La fébrilité des investisseurs laisse aussi prévoir la poursuite d'une volatilité élevée après une semaine qui a vu le Dow Jones céder jusqu'à 1.600 points pendant la séance de lundi, la plus forte baisse en points de son histoire.
Avec ces quelques séances en dents de scie, la marge quotidienne de fluctuation du Dow est remontée à 265,76 points en moyenne sur les 50 derniers jours, la plus élevée depuis mars 2016.
L'indice Vix qui mesure la volatilité a fini vendredi à 29,06 points, bien en-deçà de son pic de mardi à plus de 50 mais nettement au-dessus de sa moyenne des mois précédents autour de 10.
Ce niveau doit continuer d'alerter, affirme Nigol Koulajian, directeur général de Quest Partners à New York.
"Il faut vraiment, vraiment continuer de surveiller le marché obligataire", estime-t-il. "Il n'y a pas besoin d'un gros catalyseur, avec un tel niveau d'endettement une étincelle suffit à mettre le feu aux poudres."
Les taux longs ne sont pourtant pas à un niveau alarmant en soi, reflétant avant tout la bonne santé de l'économie, notent des analystes. Le rendement moyen de l'emprunt de référence à 10 ans est de 4,834% sur les 30 dernières années, soit bien au-dessus de son niveau actuel sous 3,0%.
"Les fondamentaux sont toujours positifs, il y a une croissance économique robuste et de solides résultats de sociétés. Cela bénéficiera forcément aux actions même si la prudence doit l'emporter à court terme", déclare Kate Warne, stratège chez Edward Jones à St. Louis.
"On va bien finir par trouver un plancher, aujourd'hui, demain ou la semaine prochaine et le marché repartira à la hausse sur l'idée que l'économie se porte bien", renchérit Jason Ware, d'Albion Financial Group.
Ce sentiment a d'ailleurs permis à des valeurs sensibles au pouvoir d'achat, comme Amazon (NASDAQ:AMZN) ou Netflix (NASDAQ:NFLX), de mieux résister que d'autres à la correction des derniers jours.
(avec les contributions de Megan Davies, Saqib Iqbal Ahmed et April Joyner, Véronique Tison pour le service français)