PARIS (Reuters) - Le président français Emmanuel Macron a promulgué la loi sur la réforme des retraites quelques heures après le feu vert du Conseil constitutionnel, s'attirant une nouvelle fois de vives critiques des opposants à ce texte très contesté, qui appelaient à ne pas le rendre applicable.
Les neuf "sages" de l'institution ont validé l'essentiel de la loi vendredi, ouvrant la voie à une promulgation par le chef de l'Etat finalement annoncée par le journal officiel dans la nuit de vendredi à samedi. Il s'agit de l'étape finale du projet, dont la mesure phare reporte de 62 ans à 64 ans l'âge légal de départ à la retraite.
Emmanuel Macron avait deux semaines pour signer le texte amendé des éléments rejetés par le Conseil constitutionnel, censé entrer en vigueur le 1er septembre. L'Elysée avait indiqué qu'il le ferait "dans les prochains jours", témoignant du désir de l'exécutif de tourner rapidement la page de la contestation, sans garantie de succès.
Illustration de cette volonté, la Première ministre Elisabeth Borne a assuré samedi devant le Conseil national du parti présidentiel Renaissance que l'exécutif était "déterminé à accélérer" encore le rythme des réformes maintenant que celle des retraites a été adoptée.
Refusant l'agenda politique du chef de l'Etat, ainsi qu'une proposition d'être reçus mardi à l'Elysée, les syndicats unis lui avaient demandé "solennellement" de ne pas promulguer la loi, "seul moyen de calmer la colère qui s'exprime dans le pays".
Le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger, a estimé samedi sur Twitter (NYSE:TWTR) que "la sagesse démocratique exigeait de ne pas (...) promulguer [la réforme] et de renouer le dialogue". "Depuis le début, le mépris renvoyé aux travailleurs aura été constant."
Pour Sophie Binet, secrétaire générale de la CGT, la promulgation est une décision "totalement honteuse".
"La preuve, il la prend en pleine nuit, dans le dos des travailleuses et des travailleurs", a-t-elle réagi sur franceinfo, dénonçant une "stratégie du pourrissement".
La centrale syndicale a appelé à deux nouvelles journées de mobilisation les 20 et 28 avril, en plus de la date du 1er mai déjà convenue par l'intersyndicale qui se réunira une nouvelle fois lundi en fin de journée.
Emmanuel Macron s'adressera aussi aux Français lundi soir lors d'une allocution, ont rapporté plusieurs médias. L'Elysée n'a pas confirmé dans l'immédiat.
"COMME DES VOLEURS"
L'intersyndicale appelle à une journée de mobilisation "exceptionnelle et populaire" le 1er mai, jour de la fête du Travail, sans réunion avec l'exécutif d'ici là.
François Ruffin, député La France insoumise (LFI) a accusé samedi sur Twitter le chef de l'Etat et le gouvernement d'avoir promulgué la loi sur les retraites "comme des voleurs".
Lors d'une interview sur TF1 (EPA:TFFP), le porte-parole du gouvernement, Olivier Véran, a déclaré que l'exécutif voulait "avancer, de manière apaisée, avec les Français, avec les partenaires sociaux". "Ce n'est pas antinomique du tout d'avoir promulgué cette loi qui a suivi un long chemin (...)"
Selon le ministre du Travail, Olivier Dussopt, la promulgation rapide correspond à l'usage pour toutes les lois de finances.
"Quelle différence cela faisait d'attendre trois jours, quatre jours ou cinq jours alors que le texte est validé ? (...) La loi est votée et validée et donc elle doit être publiée en l'état", a-t-il dit sur France Culture.
Dans le transport ferroviaire, les fédérations CGT Cheminots, UNSA-Ferroviaire, SUD-Rail et CFDT Cheminot ont appelé samedi à "faire du 20 avril prochain une journée d'expression de la colère cheminote organisée".
"Nous ne passerons pas à autre chose tant que cette loi n'est pas abandonnée", ont-elles écrit dans un communiqué.
Le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, a pour sa part indiqué sur TV5 Monde que le mouvement social contre la réforme des retraites n'avait pas eu d'effet "significatif" au premier trimestre.
Des manifestations spontanées ont eu lieu vendredi soir dans plusieurs villes de France, à l'image de celles déclenchées le mois dernier par le recours du gouvernement à l'article 49.3 pour faire adopter la réforme sans vote à l'Assemblée nationale.
Les opposants à la réforme des retraites sont d'autant plus dépités que le Conseil constitutionnel a aussi rejeté vendredi un projet d'organisation d'un référendum d'initiative partagée (RIP) portant sur une proposition de loi visant à "affirmer que l'âge légal de départ à la retraite ne peut être fixé au-delà de 62 ans".
Les "sages" se prononceront le 3 mai sur une autre proposition de RIP déposée jeudi soir, qui contient une formulation légèrement différente.
(Reportage Benjamin Mallet et Gus Trompiz, avec Elizabeth Pineau)