Assumer le "Brexit" et ne pas tergiverser: les dirigeants de l'Union européenne ont exhorté mardi le Royaume Uni à enclencher son départ "rapidement" et sans négociation "à la carte", afin de ne pas paralyser le bloc dont l'avenir est en jeu.
"L'UE est assez forte pour surmonter le départ de la Grande-Bretagne, elle est assez forte pour continuer à aller de l'avant même à 27 membres", a lancé la chancelière allemande Angela Merkel à quelques heures d'un sommet crucial à Bruxelles.
Mme Merkel a douché tout espoir de Londres de pourparlers "à la carte" sur l'avenir de ses relations avec l'Union. "Celui qui sort de la famille ne peut pas s'attendre à ce que tous ses devoirs disparaissent et que ses privilèges soient maintenus", a-t-elle tranché devant le Bundestag.
Le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker a renchéri en excluant de son côté la moindre "négociation secrète" sur les modalités et le calendrier du divorce. "C'est nous qui décidons de l'ordre du jour, pas ceux qui veulent quitter l'UE", a-t-il averti devant le Parlement européen.
L'onde de choc du référendum britannique continue de se propager cinq jours après et l'inquiétude sur les conséquences du divorce à venir est manifeste chez les Européens, obligés de "tirer les leçons" du scrutin avec le souci d'éviter une contagion à d'autres Etats membres.
L'Allemagne, la France et l'Italie refusent toute négociation avec le Royaume-Uni tant que Londres n'aura pas formalisé sa demande de sortie. Les trois poids lourds fondateurs de l'UE -- principales économies de la zone euro -- veulent aussi donner une "nouvelle impulsion" au projet européen.
Le Premier ministre britannique David Cameron aura fort à faire pour livrer les "explications" post-mortem de son échec lors d'un dîner devant ses homologues mardi.
Selon un diplomate de haut rang, "quelques principes devraient ressortir de cette discussion: prendre acte du résultat du référendum, insister sur le fait que dans cette situation le traité de Lisbonne définit un cadre juridique ordonné", à savoir l'article 50 ou "clause de retrait" d'un Etat membre.
"L'éventail des formules est large pour le statut futur: cela peut aller du statut de la Corée du Nord à celui de la Turquie", a ironisé le même diplomate, mais "tant que que la procédure de l'article 50 n'est pas déclenchée, aucune négociation d'aucune sorte n'est possible".
- Non à une 'prise d'otages' -
Jean-Claude Juncker a exhorté mardi le Royaume-Uni à "clarifier le plus rapidement possible" sa situation, arguant que l'UE ne pouvait s'"installler dans une incertitude prolongée". "Pas de notification, pas de négociation", a-t-il martelé.
Quant au Premier ministre belge Charles Michel, il a exprimé son refus d'une "prise d'otage" des Européens par Londres.
Réuni en session extraordinaire, le Parlement européen a massivement adopté à la mi-journée une résolution enjoignant Londres de notifier "immédiatement" son futur départ.
Selon une source gouvernementale britannique, David Cameron entend réitérer à Bruxelles sa position, à savoir qu'enclencher la procédure de divorce incombera à son successeur, dont le nom devrait être connu d'ici le 2 septembre.
A Londres, le Premier ministre conservateur démissionnaire n'est pas seul à temporiser. Le chef de file des partisans du Brexit, Boris Johnson, qui vise sa place, joue désormais la conciliation, assurant que le Royaume-Uni fait "partie de l'Europe" et que sa sortie de l'UE n'interviendra "pas dans la précipitation".
Ce n'est que mercredi, au petit-déjeuner, que le président du Conseil européen, Donald Tusk, réunira de façon "informelle" les 27 autres dirigeants, sans David Cameron, afin de parler de l'avenir des relations de l'Union avec le Royaume-Uni.
"Le but doit être d'arriver à un résultat commun au plus tard pour le 60e anniversaire du traité de Rome en mars de l'année prochaine", a expliqué Mme Merkel mardi, en référence au traité fondateur du projet européen.
Lundi, la chancelière allemande, le président français François Hollande et le chef du gouvernement italien Matteo Renzi ont dit vouloir proposer une "nouvelle impulsion" du projet européen notamment dans les domaines de "la défense, la croissance, l'emploi et la compétitivité".
- A Londres, le Labour menacé d'implosion -
Eviter la contagion du Brexit ailleurs en Europe est une préoccupation majeure pour plusieurs pays, notamment la France, l'Italie ou les Pays-Bas, où l'extrême droite et les mouvements populistes ont le vent en poupe.
Le Brexit, voté par 52% des Britanniques, a toujours du mal à passer chez ses opposants au Royaume Uni. La tourmente politique dans laquelle est plongé le pays est d'autant plus dévastatrice que revient au premier plan la menace d'une sécession de l'Ecosse, qui a voté à 62% en faveur d'un maintien dans l'UE.
L'opposition travailliste était au bord de l'implosion mardi: fragilisé à l'extrême, son chef Jeremy Corbyn, faisait face à une motion de défiance après avoir perdu le soutien des deux tiers de sa garde rapprochée. Les rebelles l'accusent de ne pas avoir assez milité pour un maintien dans l'UE.
Dénonçant un "coup d'Etat de couloir", ce vétéran de l'aile gauche du parti a annoncé qu'il ne démissionnerait pas, se targuant du soutien des militants, dont près de 10.000 ont manifesté lundi soir en sa faveur.
Cruauté supplémentaire, l'Angleterre est sortie lundi soir... de l'Euro-2016, battue par l'Islande (2-1) en huitièmes de finale.