par Benjamin Mallet
PARIS (Reuters) - L'assemblée générale (AG) des actionnaires de TotalEnergies a de nouveau approuvé vendredi la stratégie de l'entreprise en matière de climat dans un contexte tendu marqué par des manifestations de militants écologistes.
Quelques centaines de manifestants ont tenté dans la matinée d'empêcher la tenue de l'AG pour dénoncer l'impact écologique des activités du groupe français dans les énergies fossiles.
Des accrochages ont opposé certains de ces manifestants aux forces de l'ordre protégeant l'accès à la salle Pleyel, à Paris.
La police a aspergé de gaz lacrymogène des protestataires essayant de forcer ses barrages. Elle a aussi systématiquement protégé et escorté les actionnaires à leur arrivée, tandis que les manifestants s'efforçaient au contraire de les empêcher d'approcher.
"Ecoutez les scientifiques. Plus un seul projet fossile", pouvait-on lire sur des affiches brandies par les manifestants.
A l'intérieur de la salle Pleyel, de hautes plaques de verre transparent ont été dressées devant la scène pour protéger les intervenants tandis qu'à leur entrée, les actionnaires et les journalistes ont dû mettre leur téléphone portable dans une pochette scellée avec interdiction de l'utiliser.
En ouverture de l'AG, Patrick Pouyanné, PDG de TotalEnergies, a dit regretter ces "mesures exceptionnelles".
"Je regrette que cette rencontre ne puisse pas se passer dans un état comme il devrait l'être - que je dirais de dialogue - et j'espère en tout cas que le dialogue aura lieu", a-t-il dit.
Des manifestants dénonçant l'impact de l'exploitation du pétrole sur le climat ont aussi perturbé cette semaine l'assemblée générale de Shell (AS:SHEL), autre "major" du secteur, à Londres.
"SIGNAL TRÈS FORT"
Les actionnaires de TotalEnergies ont voté à 88,76% une résolution portant sur les progrès dans la mise en oeuvre des objectifs du groupe en matière de développement durable et de transition vers la neutralité carbone, soit un niveau à peu près comparable à celui des AG de 2022 et 2021 (89% et 92% respectivement).
Une autre résolution destinée à ce que le groupe aligne ses objectifs 2030 d'émissions liées aux produits utilisés par ses clients - dites de "scope 3" - avec l'Accord de Paris sur le climat a été rejetée conformément à ce que souhaitait TotalEnergies.
Elle a tout de même obtenu 30,44% de votes favorables alors qu'une résolution similaire n'avait obtenu que 17% en 2020.
"Cela représente un tiers des actionnaires qui affirment que Total (EPA:TTEF) doit diminuer ses émissions d'ici 2030 et qu'ils ne peuvent se cacher derrière leurs clients, en disant que les émissions de 'scope 3' ne sont pas de leur responsabilité", s'est félicité auprès de Reuters Mark van Baal, dirigeant du collectif d'actionnaires Follow This.
"C'est un signal très fort pour les investisseurs que Total doit réviser son plan pour le climat."
Dans un communiqué diffusé à l'issue de l'AG, TotalEnergies a déclaré que son conseil d’administration "poursuivra son dialogue avec tous les actionnaires concernant la stratégie climat de la compagnie".
"METTRE LA PRESSION"
TotalEnergies a confirmé en mars sa cible d'émissions de "scope 3" pour 2030, qui s'établiraient à cette échéance à moins de 400 millions de tonnes équivalent CO2 (Mt CO2e), contre 389 Mt en 2022.
Le "scope 3" représente environ 91% des émissions de TotalEnergies. Depuis plusieurs années, des ONG et certains investisseurs lui demandent de se fixer des objectifs plus contraignants de baisse de cet indicateur.
Interrogée vendredi avant l'AG de TotalEnergies sur les résolutions climatiques, Agnès Pannier-Runacher, ministre de la Transition énergétique, a jugé sur franceinfo que le débat était "intéressant (...) pour mettre la pression sur Total".
"Des entreprises qui sont aujourd'hui positionnées sur le secteur du pétrole ou sur le secteur du gaz doivent se réinventer, elles doivent sortir des énergies fossiles", a-t-elle déclaré.
"Elles n'auront aucun avenir, et je l'ai dit à Patrick Pouyanné pour Total, si elles ne sont pas capables de tracer ces trajectoires de sortie des énergies fossiles et de décarbonation."
(Reportage Benjamin Mallet, America Hernandez et Stéphanie Lecocq, rédigé par Bertrand Boucey, Zhifan Liu et Blandine Hénault)