Effort "urgent" de formation, "sécurisation" du forfait jours, "devoir de déconnexion": le DRH d'Orange, Bruno Mettling, donne au gouvernement des pistes pour "réussir la transformation numérique des entreprises", afin qu'elle soit "d'abord une chance" et ne dégrade pas les conditions de travail.
Ce rapport commandé par François Rebsamen, le prédécesseur de Myriam El Khomri, doit être remis mardi à la nouvelle ministre du Travail. Consulté lundi par l'AFP, il souligne les "opportunités" et "risques" de la transformation numérique en cours, en s'attachant à "cerner l'impact" des technologies sur les conditions de travail et l'organisation du travail.
En présentant la semaine dernière les grandes lignes de la future réforme du droit du travail, le Premier ministre Manuel Valls avait évoqué les impacts sociaux "de plus en plus lourds" du numérique et la nécessité de légiférer dans le champ ouvert par la commission Combrexelle.
Ce travail, fruit d'une trentaine d'auditions, complété d'études, fournit quelques pistes au gouvernement, comme aux partenaires sociaux, qui devraient se pencher sur le sujet lors de la conférence sociale du 19 octobre.
Le rapport insiste au préalable sur l'ampleur de cette révolution technologique éclair, qui ne se résume pas à l'usage de nouveaux outils. Elle favorise de nouveaux modes de production ou de fonctionnement "plus coopératifs et plus collectifs", en même temps que travail à distance ou le travail hors salariat (free lance, auto-entreprise...), constate la mission.
Pour "accélérer" cette évolution, il y a "urgence" à former tous les salariés, à commencer par les managers en première ligne, estime M. Mettling, qui propose de donner six mois aux branches professionnelles pour faire remonter les besoins.
Sans attendre, le DRH invite salariés et entreprises à interroger leurs pratiques. Pour arriver à une "régulation des usages des outils numériques dans le nécessaire équilibre vie privée-vie professionnelle", "question absolument centrale, notamment pour les cadres", il suggère notamment de "compléter" le droit à la déconnexion par un "devoir de déconnexion".
- Diffuser les 'bonnes pratiques' -
Les entreprises doivent "encourager" la déconnexion par des "chartes", l'"exemplarité des managers" ou "la configuration par défaut des outils", estime M. Mettling.
Si, sur ce point, le rapport suggère au gouvernement de faire confiance au dialogue social dans les entreprises et les branches, il préconise en revanche une adaptation du droit du travail par voie législative pour "sécuriser" le forfait jours.
Le forfait jours est un régime dérogatoire introduit en 2000, couvrant près de la moitié des cadres, qui permet de rémunérer des salariés en fonction du nombre de jours travaillés par an, et non d'horaires hebdomadaires.
Pour la mission Mettling, il est la "réponse la plus adaptée" aux nouvelles formes de travail.
Mais depuis un arrêt de la Cour de cassation en 2011, une dizaine d'accords de branche ont été annulés et les entreprises pourraient être "tentées d'externaliser leurs nouveaux emplois vers un travail non-salarié", prévient-elle en appelant à préciser sa définition pour "satisfaire aux exigences de respect de la santé".
Autre préconisation: mesurer la "charge de travail", pas seulement le temps de travail, avec la possibilité pour le salarié d'un "droit d'alerte individuel", dans les secteurs "où cela est pertinent". Un "préalable indispensable pour pouvoir étendre les cas d'usage du forfait jours de façon raisonnable", affirme le rapport.
Pour les entreprises du secteur numérique proprement dit, il ouvre un débat plus sensible avec l'idée de pouvoir déroger de manière exceptionnelle, et cadrée par des accords d'entreprise, aux temps de repos quotidiens.
Le DRH d'Orange propose en outre de "clarifier" la définition de salarié et de travailleur indépendant et de bâtir pour les non salariés un régime de protection sociale avec des droits "attachés à la personne et transférables", comme dans le compte personnel d'activité prévu pour les salariés à partir de 2017.
Quant au travail à distance qui concerne déjà plus de 16% des salariés, "son développement (est) un enjeu pour la réussite de la transformation numérique" et il convient de "diffuser les bonnes pratiques": maintien d'une présence physique régulière afin d'éviter l'isolement du salarié ou "réversibilité réciproque".