Du café sud-soudanais va être exporté pour la première fois ce mois-ci dans le cadre d'une initiative à long terme destinée à revitaliser l'industrie du café dans ce pays d'Afrique de l'Est, parrainée par la marque Nespresso.
Le projet avait été lancé en juillet 2013 par l'acteur américain George Clooney, défenseur de longue date du Soudan du Sud et visage publicitaire de Nespresso, filiale du géant suisse de l'agro-alimentaire Nestlé. "Il y a là une réelle opportunité", avait-il alors estimé.
Mais cinq mois plus tard, le pays devenu indépendant du Soudan en juillet 2011, après des décennies de conflit, sombrait dans la guerre civile, marquée par des massacres et des atrocités qui ont fait des dizaines de milliers de morts et chassé quelque 2,2 millions de Sud-Soudanais de leurs foyers.
Les combats continent dans plusieurs régions en dépit de la signature le 26 août d'un accord de paix conclu par le président Salva Kiir et le chef de la rébellion, son ancien vice-président Riek Machar.
Dans le même temps, l'organisation à but non lucratif basée à Washington TechnoServe, chargée par Nespresso de mettre en oeuvre son projet, avait redoublé d'efforts pour aider l'industrie du café sud-soudanaise.
"Nous voulions aider de petits agriculteurs à monter une affaire autour du café, à changer la manière de penser pour passer de +j'ai quelques plants de café dans mon jardin+, à "je peux vraiment gagner ma vie avec ça+", explique le directeur général de TechnoServe, William Warshauer.
Quelque 2,6 millions de dollars (2,3 millions euros) ont été engagés dans le projet et 300 petits propriétaires agricoles ont rejoint des coopératives, 1.000 autres attendant encore de faire de même. L'objectif est d'attirer 15.000 agriculteurs sur une période de dix ans.
S'il se lance tout juste dans l'exportation, le Soudan du Sud est un producteur de longue date de café. Mais son industrie, destinée au marché local, a été détruite par des décennies de guerre d'indépendance avec Khartoum.
Des caféiers d'Arabie (Arabica) sauvages continuent à pousser sur le haut plateau embrumé de Boma, à la frontière avec l'Ethiopie où il serait d'abord apparu. L'Arabica sauvage et le Robusta cultivé sont aussi présents sur les Monts Imatong dans le sud.
On trouve également du robusta sur les terres fertiles de l'Etat d'Equatoria-central (sud), plutôt épargné par la guerre.
- Edition limitée Nespresso -
TechnoServe travaille avec de petits producteurs de par le monde pour les aider à accroître leurs récoltes, à être mieux reliés aux marchés et à améliorer leurs revenus.
Mais le Soudan du Sud a présenté des défis inhabituels pour l'organisation. "La guerre civile n'est pas quelque chose que nous rencontrons fréquemment", souligne M. Warshauer.
Des préoccupations d'ordre sécuritaire ont forcé TechnoServe à retirer son personnel expatrié durant l'essentiel de l'année 2014, ce qui a ralenti le projet.
M. Warshauer se veut cependant optimiste pour la récolte 2015 qui sera, selon lui, beaucoup plus importante que celle des années précédentes. "Le café pourrait devenir la deuxième source de revenus à l'exportation après le pétrole", estime-t-il.
Les coopératives exploitant le café autour de la ville de Yei, dans l'Etat d'Equatoria-central, ont replanté des arbres et les récoltes ont augmenté, comme la qualité des grains avec l'installation de machines à moudre par voie humide, installées sur place avant l'exportation.
Le résultat est une édition limitée de capsules de café Nespresso "Suluja ti South Sudan" (l'émergence du Soudan du Sud, en langue kakwa), qui sera disponible en "quantités extrêmement limitées" en octobre en France seulement.
"Nous sommes enthousiasmés par le potentiel de ce projet pour la croissance économique de la région", explique Jean-Marc Duvoisin, directeur exécutif de Nespresso.
L'économie sud-soudanaise est entièrement dépendante de la production de pétrole, qui a diminué de près de 30% depuis le début de la guerre, pour s'établir à environ 150.000 barils par jour.
La livre sud-soudanaise s'est également effondrée et s'échange au marché noir cinq fois au-dessous de sa valeur officielle. Le pays est aussi touché par une inflation proche de 60%.
L'exportation de café pourrait aider à diversifier l'économie du Soudan du Sud, quand la plus jeune nation du mmonde en aura fini avec la guerre. Mais pour l'heure, en produire et exporter tient déjà du miracle.